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Cuisine de la mer
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14 octobre 2006

Filets de dorade royale grillés, purée de cocos, saveurs de citrons

Je préviens tout de suite ceux qui passent par là juste pour rigoler un peu, ceci est un article sérieux. Pas question ici de chasse folklorique au homard, d’huîtres détournées ou d’historiques farfelus. Non, le sujet est même grave, puisqu’il concerne les troubles psychologiques de certains animaux marins, un domaine encore peu connu : il est grand temps que quelqu'un s'y intéresse.

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Duo de dorades

La dorade est un désopilant poisson qui vit entre deux eaux. On la connaît aussi sous le nom de daurade : cela témoigne d’un phénomène de dédoublement de la personnalité assez fréquent  chez les animaux marins, on va essayer d’y voir plus clair, observons une dorade au repos.

L'os du dos est fondamental, lorsque la dorade souhaite s'allonger au repos au fond d'une rade, pour s'y dorer le duodénum. Nous traitons bien entendu ici de la rade d'eau, et non du radeau (et si vous pensez que je radote, tournez-moi le dos, et allez au rade manger une dorade en duo avec votre moitié. Mettez les bouchées doubles, et rideau!)

Ainsi, nous avons une dorade qui fait dodo sur le dos au fond d'une rade d'eau. Nous voici bien avancés. Pourtant, c'est tout de même mieux que de disposer d'un merlan, qui se prend pour un merle lent allant en mer et parlant le verlan, ou que de se colleter avec un lieu de bon lieu qui chausse des bottes de sept lieues, et se voudrait le lieu commun des huit.

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A propos de huit, j'ai connu une colonie d'huîtres de ce nombre, qui voyaient double et faisaient seize, soit un double huître. Fortes de ce chiffre, elles entamèrent une partie de palet en doublette avec les palourdes voisines, qui ne pesèrent pas lourd lors de ce pugilat. Dans le même sable vivaient des coques, devenues folles à force de côtoyer des coques de bateau. Elles aussi voyaient double, contaminées par les huit huîtres. Ce sont donc des obsessions de multicoques qu'elles avaient. Beaucoup s'enfuirent à deux sur une coquille de noix, à double cerneaux, comme un catamaran.

Il n'est pas hors de propos d'évoquer l'histoire tragique de ce pied de couteau qui éprouva un dédoublement de la personnalité sur la table d'un grand restaurant. Il finit par se couper le pied avec le bord tranchant de sa coquille, par crainte de se faire doubler par un manche en os.

Nous voyons donc que le cas de la dorade, qui se dissimule parfois habilement sous le nom de daurade, n'est absolument pas un cas isolé de dédoublement. Beaucoup d'animaux marins utilisent des doublons qui leur servent de doublures, afin de mener en douce une double vie.

Retour en cuisine

J’ai tranché, je vais écrire dorade et non daurade, çà prend moins de place sur l’écran, je sais que vous êtes pressés.

Les dorades sont trois bons poissons (çà ne s’arrange pas) : la grise est savoureuse, avec une saveur très iodée, elle convient bien aux cuissons simples au four ; la rose, à la chair très blanche, est bien pour tous les usages, au four avec beaucoup d’aromates, ou simplement grillée, voire en tajine. Mais, l’Eldorado de la dorade (je ne peux pas m’empêcher), c’est la dorade royale.

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C’est peut-être cette bande d’écailles dorées qui réunit les yeux, comme une couronne portée un peu enfoncée qui lui a valu ce nom. La saveur et la qualité de sa chair le méritent toutefois à elles seules. Elle se nourrit presque exclusivement de coquillages, et principalement de palourdes, ce que je ne trouve pas idiot du tout. Observez sa bouche, on dirait une meule broyeuse! Je parle là du poisson sauvage, la dorade royale est en effet fréquente en élevage, je ne suis pas certain qu'elle y soit nourrie aux palourdes!

Filets de dorade royale grillés, purée de cocos, saveurs de citrons

Ingrédients : Une belle dorade royale levée en filets, de l’huile d’olive au citron, des haricots cocos de Paimpol, un morceau de laminaire, de la crème, du beurre, du macis, du poivre blanc, un citron vert.

On fait d’abord la purée de cocos, avec des algues

On compte pour une purée environ 250 grammes de haricots non écossés par personne. Si vous ne trouvez pas de cocos, vous pouvez vous rabattre sur des mojettes ou des petits haricots blancs demi secs à écosser, il y en a beaucoup de variétés.

Pour faire la purée deux méthodes, la première est de passer les haricots au travers d’une passoire fine pour ne conserver que la pulpe et aucun morceau de tégument. La seconde, nettement plus rapide, faire la purée au mixer, mais alors, il leur faut une cuisson qui laisse la peau relativement tendre :

Je procède comme le font les japonais (enfin, les plus doués d’entre eux) pour cuire les azukis, ces petits haricots rouges qu’ils utilisent essentiellement dans des préparations sucrées. Il les cuisent avec des algues, qui ont la vertu de rendre la peau des haricots plus tendre. Ce sont les laminaires qui conviennent le mieux. La sarriette a aussi cette propriété, mais moins marquée. Autre précaution à prendre, ne pas saler l’eau de cuisson, le sel durcit le tégument des haricots et autres légumes secs. On sale directement la purée.

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Pour ne pas apporter trop de saveur ou de sel, l’algue a subi deux traitements, elle est soigneusement rincée après récolte, puis séchée. On la trempe une bonne heure dans l’eau avant de l’utiliser, on dirait alors qu’elle vient d’être cueillie (n’utilisez jamais d’algues dérivantes, elles ont déjà commencé à pourrir). Ci-dessous, c’est la laminaire sucrée (laminaria saccharina), elle convient bien en cuisine (ci-dessus c'est l. digitata, elle convient tout aussi bien).

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Une fois les haricots bien cuits, on enlève le morceau d’algue et on les passe au mixer avec un peu de lait chaud. On continue ensuite comme une purée de pomme de terre, lait chaud et crème, sel, poivre, muscade ou macis (le macis est bien adapté aux fruits de mer), et du beurre. Dosez selon votre conscience, en Bretagne, on est très strict là dessus, c’est « autant de beurre que Dieu peut en bénir ».

On grille la dorade, avec du papier

Elle est écaillée, levée en filets, la peau n'est pas enlevée. Comptez une dorade de 1,8 Kg pour quatre personnes, c’est déjà bien copieux.

Les filets sont rincés et bien séchés, puis on leur passe un peu d’huile d’olive au pinceau, il en faut très peu. On fait chauffer la plancha (ou une grande poêle), et lorsqu’elle est chaude (pas trop), on y pose une feuille de papier sulfurisé, on y dispose les filets de poisson peau en dessous, puis on couvre d’une seconde feuille.

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On cuit en appuyant sur le poisson, de façon à ce que la peau devienne bien croustillante. Lorsqu’on voit le tour du filet blanchir, on coupe le feu, on enlève le papier du dessus, on retourne le poisson, et on fini la cuisson ainsi (pas plus d’une minute). Ci-dessous, la plancha avait un peu trop pré-chauffé, le papier a bruni, mais le poisson était délicieux.

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On sert à l’assiette avec la purée, sur laquelle on râpe le zeste d’un citron vert. Sur le poisson, on se contente d’un filet d’huile d’olive au citron.

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Vous pouvez bien entendu cuire un tas de poisson sur la peau ainsi. UN autre avantage, c'est que çà évite de trop salir le support de cuisson. Cela permet aussi de faire ce type de cuisson sur un support non traité anti-adhésif, sans y mettre une tonne de matière grasse. Ma plancha (attention, elle ne fonctionne pas sur l'induction, mais je fais tout au gaz), c'est la All-Clad, que j'ai découvert grâce à Sabine et Bertrand.

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Commentaires
M
Merci Patrick pour cette sublime recette, que nous avons testé hier soir... Il ne me manquait que les algues et j'ai remplacé les cocos par des mojettes, mais c'était vraiment excellent!
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B
Ah !!!oui !!!!<br /> C'est plus pratique comme ça !!!<br /> Je retiens l'idée !!!<br /> Bizzzzzzzzz<br /> Barbichounette
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T
Hilarant récit à base d'alittérations et d'assonances cocasses et savoureuses.<br /> Comme cette dorade cuisinée d'ailleurs, qui désormais fait dodo sur un lit de cocos ;o)<br /> Bravo !
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M
Quand je pense que je n'avais pas mis de commentaire, elle est vraiment géniale du début à la fin cette recette ! tu désacralises le poisson pour les handicapées de la cuisine de la mer comme moi
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B
les copines attablées....
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