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Cuisine de la mer
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2 novembre 2007

Thon des deux Saint Jean

C'est toujours spécial d'arriver en Bretagne pour la Toussaint, où en dehors de quelques magasins alimentaires de première nécessité (pas les supermarchés, quelle quiétude!), ne sont ouverts que les fleuristes, les cimetières et les églises... C'est qu'on ne rigole pas avec la mort ici, cette célébration des saints et des disparus a beau être séparée sur deux jours, l'héritage des celtes est encore proche. L'église chrétienne a supplanté la fête de Samain, celle qui mettait définitivement fin à la belle saison tout en célébrant le nouvel an, un moment où le monde des vivants et celui des morts s'entremêlent, pas question de sortir la nuit!

Cernunnos

On accrochait des citrouilles aux arbres, légume  insensé qui a été récupéré dans la plus moderne tradition d'Halloween, sorcières et fantômes, on est en plein dedans... Je ne sais pas si je trouve ces débauches goresques juste grotesques ou délicieusement baroques, je crois surtout que je m'en moque, que chacun fasse ce qu'il veut, tant qu'on  ne me contrarie pas à bout portant (genre me servir gratins ou soupes de citrouille).

Bref, pas de poisson frais pour ce premier jour de novembre dans mes abers, j'avais eu d'abord l'idée, avant de cuisiner des restes, de vous parler de la mort en Bretagne, et surtout de l'incarnation (si je puis dire, s'agissant d'un squelette) de notre faucheur à nous, l'Ankou (rôle tenu par le dernier mort de l'année dans une paroisse, on se décime entre voisins). On peut bien rigoler avec l'Ankou, surtout si on l'ankourage à boire ankou, mais bon, pour ce billet du vendredi, j'ai dû repêcher une recette de thon réalisée la semaine dernière, il va falloir vous en contenter!

ankou__2_

Par ailleurs, après une route terrible hier soir dans le brouillard, la tête sortie par le hublot carré du chalutier à roulettes, hululant comme une corne de brume pour écarter les revenants quémandeurs de bonbons, je n'ai plus envie tout à coup d'écrire sur une pierre tombale, ou thon-balle, comme on dit dans les cimetières marins. Me suis enrhumé, en plus...

Le thon adéquat

La scène se passe à la poissonnerie "Du Thon à la Thonne". La patronne du lieu, Suzanne Thon, campée dans des bottes blanches, est bardée de plastique blanc et a des écailles jusque dans la permanente violette. Une cliente arrive, Madame Quidame Son, on la connaît déjà bien cette dernière...

- "Bonjour Madame Thon!
- Bonjour Madame Son!
- Qu'est-ce que vous avez de bon aujourd'hui?
- Ah aujourd'hui, je suis dans le bon thon!
- Du thon? Pas en boîte?
- Et non, en liberté et coupé en tronçons!
- Mais c'est qu'on en voit partout du thon maintenant!
- M'en parlez pas ma pauvre, tout le monde en vend, du boulanger au boucher désormais.
- Je ne comprends pas?
- Çà ne m'éthonne pas, regardez en face, la boulangerie, avec ses miches-thon, le crémier, avec ses fromages anglais style thon, le traiteur chinois et ses won-thon, mais le pire de tous, c'est le boucher!
- Pourquoi le boucher spécialement?
- Oh, un sale type celui-là, d'abord ils nous a cherché des poux parce qu'on avait placardé l'affiche du "steak de la mer".
- Faut le comprendre quand même, si tout le monde se met à faire du steak, çà va saigner sur les marchés!
- Et puis il s'est précipité, et que je vends du boeuf mirothon, quand ce n'est pas un jarrethon pour le pot au feu! On croit que ce sont les poissonniers qui sont responsables de la disparition des thons, pas du tout, ce sont les bouchers! Et que je te fais du tartare ou du carpaccio de thon, et que je te remplace la viande dans la fondue!
- Vous n'exagérez pas un peu de thons en thons?
- Mais pas du tout, il les reçoit par camions entiers les thons, vous croyez que c'est une bétaillère qui est garée devant chez lui? Mon oeil avec, c'est une béthonnière! D'ailleurs, il n'en est pas à son coup d'essai, çà fait des années que j'ai repéré qu'il vend du merlan! Avec çà, nous on est bien obligés de suivre, les clients en raffolent, alors on se diversifie : voyez ces poissons : ce sont des poissons-chats-thons, et là bas, vous avez des mérous-thons!
- Ah ma pauvre, c'est n'importe quoi en effet! Il ne faut pas vous laisser faire! On en voit partout je vous dis, et du téléthon par ci, et du marathon par là! '

(Petit aparté, je profite de ce billet pour encourager l'un de mes meilleurs copains qui va participer -et sûrement triompher - à celui de New-York dimanche prochain : "Cours Jean-François, cours! Et ramène nous des crevettes.". Je suis comme la Turtle dans son dernier billet, je ne comprends pas bien l'intérêt de l'exercice, le dernier qui m'a vu courir est au moins centenaire. Reprenons).

telethon

Télé-thon

- Bon, vous en voulez de mon thon, ou ce sont nos voleurs qui s'en occuperont?
- Pardon?
- Non rien... je parlais de la concurrence.
- Écoutez, il m'en faut des tranches pour faire environ un kilo et demie, avec la peau.
- Un demi thon?
- Non, c'est pour cuisiner, pas pour souffler dedans et jouer la marseillaise en brethon!
- Vous comptez le préparer comment?
- J'ai pris cette recette sur le blog d'un type qui n'arrête pas de dire qu'il ne faut pas en manger. Il ne doit pas être boucher, ce mec-thon là!
- Faites voir! Holà, mais il y met un paquet d'épices, ce gueule-thon!
- Oui, et je me demande bien quoi boire là-dessus, vous n'auriez pas une idée?
- Facile, vous n'avez qu'à aller chez le caviste d'à côté, c'est encore un complice du boucher , il en vend aussi, ce faux-jethon!
- Et qu'est-ce qu'il vend?
- Des Côtes de Thongues pardi, vous croyez que çà les gêne?"

samara

Thon des deux Saint Jean

C'est clair qu'à force de vous raconter que le thon rouge est une espèce menacée, tout en donnant des recettes pour les achever en beauté, je vais être aussi crédible que Sébastien Chabal vantant les mérites d'une crème dépilatoire ou cuisinant des Kinders, n'est-ce pas Anaïk?

Alors entendons-nous bien, je ne consomme plus depuis longtemps de thon de Méditerranée (ou thon Atlantique) dont l'existence même est menacée. Par contre, je mange de temps en temps, genre trois ou quatre fois par an, du thon rouge du Pacifique, dont les réserves sont (très provisoirement néanmoins) plus élevées que celles de nos côtes. Je me répète, mais pratiquement toutes les espèces sauvages très savoureuses sont menacées, 'il faut en conséquence diversifier nos assiettes marines. Je vous ai un peu parlé de la question du thon dans ce billet. Ayez ce réflexe, le thon rouge est à la carte de très nombreux restaurants, sous forme de pavés saignant ou de préparations crues, ne vous précipitez pas dessus!

Quant à l'intitulé étrange de la recette, c'est juste une idée saugrenue que j'ai eue voici déjà longtemps en cuisinant pour la première fois ce thon dans une sauce d'inspiration basquaise, me référant d'une part à Saint-Jean de Luz, grand port thonier à une époque, et d'autre part à Saint Jean d'Acre, car j'y glisse quelques saveurs proche-orientales. J'aurais aussi pu l'appeler Thon Concarneau-Constantinople, mais c'est quand même bien plus difficile à prononcer...

Ingrédients

- 1,5 kg de darnes de thon, avec la peau
- deux oignons
- 3 poivrons rouges
- 2 poivrons verts
- 5 belles tomates
- 4 gousses d'ail
- une poignée d'olive noire
- une crosse (talon) de jambon de Bayonne
- laurier
- sauge
- origan
- poivre noir
- piment d'Espelette en poudre
- filaments de safran
- coriandre fraîche

Recette

Pelez et émincez les oignons, mettez les à revenir doucement dans un mélange de beurre et d'huile d'olive, salez légèrement. Lorsque les oignons commencent à s'attendrir, ajoutez les poivrons en lanières, inutile de les peler. Pendant ce temps là, vous mondez les tomates (= vous enlevez la peau et les graines), vous pelez et coupez l'ail en morceaux. Lorsque les poivrons sont un peu souples, ajoutez la tomate, l'ail et les herbes, et laissez cuire doucement.

Préparez alors le thon, vous commencez par le laver soigneusement. Attention notamment à la peau, elles ne se voient pas beaucoup au premier regard, mais elle est couverte de petites écailles qu'il faut impérativement enlever. Il serait certes plus simple d'ôter la peau, surtout qu'on ne la mangera pas au final, mais d'une part, elle apporte de la tenue aux morceaux de poisson, et d'autre part, elle donne beaucoup de saveur au plat. Vous le coupez en portions.

Taillez également des dés pas trop petits dans la crosse de jambon de Bayonne. Il en faut une grosse poignée. Lorsque les tomates sont déjà bien fondues, ajoutez le jambon, les o!ives noires, le poivre noir et le piment d'Espelette. Une une dizaine de minutes avant de servir, goûtez la sauce, rectifiez le sel si nécessaire (entre celui du départ dans les oignons, celui des olives et celui du jambon, cela peut suffire). Ajoutez alors le safran que vous aurez fait infuser dans un peu d'eau tiède, puis les morceaux de thon.

tsjean

Évidemment, il y a des raisons pour lesquelles je mets safran et thon au tout dernier moment. Pour le premier, je trouve qu'une cuisson prolongée le dénature, comme de nombreuses épices d'ailleurs. Pour le second, il lui faut même en sauce, une cuisson courte , afin qu'il reste moelleux. Une dizaine de minutes suffisent amplement, à feu doux-moyen. Une fois cuit, terminez avec la coriandre hachée.

tsjean2

J'ai un peu hésité à mettre la photo bâclée de l'assiette ci-dessus (rendez-vous compte, même pas essuyé le bord!), mais tant pis, j'assume car j'étais bien à la bourre ce jour-là! On peut éventuellement ajouter du riz, mais je préfère un peu de pain grillé à portée de main.

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Commentaires
M
Je viens de tout acheter pour réaliser cette recette (à part la coriandre que je n'ai pas trouvée...) Je passe à la réalisation demain matin avec le ventre plein d'espoir !!!
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M
je viens de mettre à griller mes poivrons au four, ta recette passera à la casserole ce soir avec des poivrons grillées, tu me permettra ce ti changement qui me rappele l'Algérie, cette chekchouka aux poivrons à l'huile d'olive et au cumin, hummmmmmm.<br /> Bises copain
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C
Coucou mon Patrick préféré (ça s'est pour me faire pardonner de pas être passée par ici pour rigoler depuis longtemps) ;)<br /> <br /> Bon, moi je comprends rien à tes histoires de thon, à part que ça peut se mettre dans un curry. Par contre, ton Ankou, là, il me rappelle de drôles d'histoires au feu de bois (ou de bougie hein...).
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T
"thon sur thon"... Pfff, Thonthon Estèbe venait de la faire ! Même pas mal, d'abord !
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T
Une recette thon sur thon pour la Saint Jean, dirait-thon. Et dire que j'ai manqué ça !... Bah on peut pas être partout à la fois, hein ! J'étais avec mon pote l'Ankou. Cet âne-là voulait que je fasse ma valoche pour partir quelques temps en voyage avec lui. Mais on m'la fait pas à moi, je sais qu'il est des voyages dont on ne revient pas. Alors, j'lui ai fait croire que j'le suivais et au premier menhir croisé sur le chemin, hop, j'm'en suis retourné chez moi, hu-dia ! Non mais desfois, quelle bout-en-train cette faucheuse, j'te jure ! C'est une fifille (ou un gars... ch'sais pas bien en fait, j'arrive pas l'identifier...) que j'ai appris à connaître bien assez tôt. Du coup, quand elle veut me faire une bonne blague, je sais toujours comment l'éviter. Tout ça pour vous dire que pour amadouer l'Ankou, suffit pas d'aller boire "ankou" avec elle, comme tu dis, mon pote, parce que là... j'vous dis pas dans quelle galère vous vous foutez... non, pour l'amadouer, faut bien la connaître et pour bien la connaître, faut savoir où elle se cache, faut savoir comment la repérer. Voyez cela avec Anatole Le Braz, il vous apprendra comment interpréter les intersignes... de la Mort !...<br /> Tiens, j'entends un essieu qui grince. Ah non ! C'est rien que la roue de mon fauteuil qui couine quand je me trémousse sur mon fauteuil. Héhé ! La sacrée farceuse, j'vous dis !
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