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Cuisine de la mer
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14 juin 2008

Gambas aux saveurs de colombo

Je suis en retard d'une journée pour la publication de ce billet, ce qui d'ailleurs ne me trouble pas du tout, il fait presque beau, le soleil se couche tard, c'est quasiment un devoir de sortir et de rentrer tard. Je vous préviens tout de suite que la semaine prochaine, mon billet paraîtra également le samedi, mais ce sera exprès cette fois.

Deux de mes blogueurs préférés, pétris de talent et bourrés d'idées (entre autres), j'ai nommé Gracianne et Estèbe, ont décidé de transformer les blogoshère culinaires et mondiales réunies en un grand juke box à l'occasion de la fête de la musique, qui tombe cette année un samedi. Je vous invite à vous joindre à cette idée si vous avez un blog, en dépit de tout le mal que je pense des sites sonorisés, mais j'en reparlerai!

Pas de musique sur ces gambas, ni viole de gambe ni gambades mélodiques, non du vrai sujet austère (et non pas osteria, je suis un gars ouvert). C'est un autre sujet qui me fait gamberger, celui des quotas de pêche et des rejets à la mer de prises non souhaitées. Je vais tâcher d'être court, quitte à simplifier à outrance, car le sujet n'est pas simple.

Je le traite aujourd'hui parce que la pêche aux gambas est de celles qui causent beaucoup de prises accessoires non souhaitées (le maillage est petit!). Comme pour les crevettes d'élevage, je privilégie les produits en provenance de Madagascar, l'un des pays les plus engagés en matière d'exploitation durable de la mer. Cela dit dans ce billet, je me contenterai d'évoquer la zone européenne, parce que je la connais un peu mieux!

rejets_madagascar
(crédit photo)

Quotas et rejets de pêche

La pêche est une activité de prédateur un peu aveugle, le filet passe, et on ne sait pas ce qu'il ramasse. Ce qui ne doit pas être ramené à terre est rejeté à l'eau, le plus souvent mort ou avec des chances de survie limitées. Les statistiques réelles sont difficiles à établir, mais la FAO estime le taux de rejet mondial à 35% des prises.

Pendant ce temps, les ressources halieutiques s'amenuisent de façon plus qu'inquiétante. Il faut donc gérer la ressource, et en Europe, cela s'organise autour de deux dispositifs principaux, d'une part la réglementation de l'effort de pêche, d'autre part la fixation de quotas. Ces derniers sont annuellement fixés par la Commission Européenne, et attribués à chaque état (gros marchandage). Ils sont le plus souvent insuffisants, en deçà des recommandations des scientifiques.

Une fois les quotas attribués, chaque pays les gère à sa convenance. Avec plus ou moins d'intelligence. En France, on se contente de surveiller de façon globale leur respect, et de sanctionner en cas de dépassement. Or, malgré les quotas, on considère que 38 des 43 stocks évalués (Source : Ifremer) dans les eaux européennes sont notoirement surexploités, et que deux tiers des stocks le sont d'une façon pouvant déséquilibrer l'écosystème.

Les quotas gérés ainsi de façon commune ont pour effet pervers de transformer les poissons en biens communs, ce qui signifie clairement que tout ce qui est pris par un pêcheur l'est au détriment des autres (je shématise, mais c'est exprès).

La conséquence est une véritable "course au poisson", le but étant de pêcher le maximum en un minimum de temps, ce qui conduit à des prises indifférenciées et à un taux de rejets important.

La rareté est imposée à la fois par la disparition du poisson et par la pression des quotas, une fois prélevé le maximum, on trie ce qu'on va débarquer et on balance le reste. C'est ainsi que les prises de proies juvéniles sont importantes, voire que certaines pêches sont scandaleusement prédatrices, comme par exemple la grande pêche de poissons plats en Mer du Nord, où les taux de rejets peuvent atteindre de 70 à 80%.

fishfos

Cette gestion globale est donc un échec, d'ailleurs il se prépare en Europe une réglementation sur les rejets, on parle d'interdiction totale, ce qui va obliger les navires à disposer d'une capacité de stockage pour ces espèces. Je trouve que c'est une bonne idée en soi. C'est une bonne idée si on ne laisse pas aux pêcheurs le seul poids de l'effort, si on ne les laisse pas se débattre entre coût du carburant, course au poisson et prises très mal payées en criée.

Les pêcheurs ne sont pas fondamentalement contre les quotas, à part quelques jusqu'au-boutistes. Ils sont très conscients de la nécessité de protéger la ressource. Prenez par exemple le cas du bar en Bretagne. Les ligneurs ont décidé de cesser la pêche de ce poisson pendant sa période frai, en gros de début février à mi-mars. Les chalutiers (et mêmes les bolincheurs qui avaient pourtant eu quelques comportements scandaleux) leur ont récemment emboîté le pas. On applaudit bien sûr, il faudrait aussi encourager financièrement ces comportements. En effet, les pêcheurs qui doivent bien vivre, payer leurs factures et leurs traites, ne peuvent s'arrêter de travailler et reportent leurs efforts sur d'autres espèces, comme le lieu jaune par exemple. Or, sa période de frai est sensiblement à la même période.

En Norvège par exemple, un système d'assurance existe, compensant aux pêcheurs le fait de rester à quai en raison de réglementation ou de quotas.

Une des solutions palliant pour partie les effets pervers des quotas, lorsqu'il sont gérés de façon globale, genre "premier arrivé, premier servi", est le système des "Quotas Individuels Transférables" mis en oeuvre en Islande, pays précurseur en la matière.

En gros, au lieu qu'un quota soit attribué à tous sur une espèce donnée, chaque bateau en reçoit un ou plusieurs  individuellement, qu'il est libre d'exploiter ou de transférer partiellement, avec quelques limites visant à protéger la "petite pêche" des appétits des navires hauturiers. Ces quotas étant négociables entre eux, les pêcheurs ne sont pas pénalisés lorsqu'ils débarquent des prises accessoires hors quota, puisqu'ils peuvent néanmoins les vendre, en achetant ou échangeant une part de QIT (encore une fois je simplifie beaucoup, pour mieux me faire comprendre).

Ce système a au départ été très mal accepté par les pêcheurs, ce sont des gens à l'esprit très indépendant qui l'ont pris comme une contrainte personnelle. C'est en effet une forte implication de l'état islandais qui a permis la mise en place du système.

Aujourd'hui même si rien n'est parfait, on s'en félicite, car couplés avec une régulation financière du marché et des contrôles rigoureux à tous les niveaux de la filière pêche, ces QIT ont permis de protéger quelques espèces. Le cabillaud n'a certes pas fait son retour dans les eaux islandaises, mais les stocks de harengs et d'églefins sont revenus à un niveau satisfaisant.

Le taux de rejets des bateaux de pêche islandais est désormais estimé à 6%, ce qui est très bas.

Parallèlement, la flotte de pêche islandaise a pu être améliorée vers une efficacité sélective, car plus sereins sur la stabilité de leurs revenus à long terme, les pêcheurs hésitent moins à investir.

D'autres pays ont mis en place des systèmes comparables, les exemples des Pays-Bas ou de la Nouvelle-ZélandeNouvelle-Zélande sont souvent cités. Qu'est-ce qu'on attend? Ceux qui me connaissent un peu savent que je suis plutôt réticent à toute intervention de l'état dans l'économie, mais lorsqu'il s'agit de sauver un écosystème, cette question ne se pose même pas!

Retour en cuisine, avec des gambas sauvages pas forcément écologiquement correctes, très peu de produits de la mer consommés le sont en fait. Mais au moins les malgaches font un effort pour être dans les plus vertueux.

Gambas aux parfums de colombo

Ingrédients

- 800 g de belles gambas sauvages
- huile
- rhum blanc
- un citron vert
- poudre de colombo
- poudre de piment fort
- feuilles et graines de bois d'Inde
- graines à roussir
- poivre noir
- sel

Notez que je n'ai pas dit que je cuisinais un colombo, mais que j'ai parlé de "parfums de colombo". Je dis cela avant que ne râlent les puristes...

Recette

Incisez le dos de la queue des gambas avec une paire de ciseaux, potentiellement pour enlever le boyau noir s'il est épais, utilement pour que la marinade pénètre bien. Elles sont également bien plus aisées à décortiquer ainsi parées.

Préparez la  marinade en mélangeant du rhum blanc, de l'huile d'olive, le jus du citron vert, de la poudre de colombo, de la poudre de piment fort (attention, on va utiliser cette marinade réduite en guise de sauce, n'ayez pas la main trop lourde), des graines de poivre noir et de bois d'Inde (poivre de la Jamaïque) broyées, quelques feuilles de bois d'Inde (de laurier à défaut).

Laissez les gambas mariner ainsi de une à deux heures, puis égouttez les en recueillant la marinade. Faites chauffer une poêle anti-adhésive, et y placer une généreuse pincée de graines à roussir (mélange à parts égales de graines de cumin, fenugrec et moutarde, on y trouve parfois aussi des grains de coriandre). Lorsque ces dernières ont pris un peu de couleur et commencé à dégager leur délicieux arômes, mettez y les gambas à sauter. Lorsqu'elles sont à votre convenance, flambez les au rhum blanc puis salez les.

Réservez les alors dans le plat de service, au four à 80° environ. Versez la marinade au travers d'une passoire fine dans la poêle, et faites la réduire jusqu'à ce qu'elle devienne "couvrante". Il vous en reste environ un verre.

colombogambas1

Versez cette sauce sur les gambas, et servez les aussitôt, natures en entrée ou alors accompagnées de riz créole ou mieux de patate douce en dés, pochés puis légèrement rissolés.

colombogambas

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Commentaires
E
ca doit être un pur délice!
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V
HHHHHouuuuuu, qu'elles ont l'air bonnes...<br /> Pas le temps de lire ton billet ce soir, mais je reviendrai car tu penses bien qu'un billet sur la crevette m'intéresse au plus haut point !<br /> La dernière photo est à mourir, j'ai l'impression qu'elles m'appellent, avec leur petite carapace toute pleine de sucs de cuisson !!!
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A
C'est effectivement rare de manger écologiquement correct !!! Mais c'est Gambas sauvages grillées m'ont l'air délicieuses et ça serait dommage de s'en priver !
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T
Super intéressant évidemment mais je n'ai lu qu'en diagonale, je me repencherai sur ton billet début juillet...
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E
J'ignorais que l'insperteur Colombo fût tombé dans la poudre. Tout fout le camp.
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