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Cuisine de la mer
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5 décembre 2008

Tartare de hareng saur doux aux pommes et aux speculoos

J'ai promis de ne pas abuser de jeux de mots après les excès du précédent billet, mais tout de même, lorsque je relis "hareng saur doux", j'ai envie de me répondre "de la mer". C'est grave docteur?

Il sort même de toutes les mers, principalement de celles de l'hémisphère nord. Celui que nous consommons le plus en France, c'est le hareng de l'Atlantique (clupea harengus ou hareng commun), on trouve parfois aussi le fameux petit hareng de la Baltique (clupea harengus, membras), mais je n'ai jamais croisé celui du Pacifique (clupea harengus, pallasi). Il y en a bien plus, le genre clupea ne compte pas moins de 130 espèces, dont la sardine et l'alose.

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Un peu sur le hareng

Ce poisson est mythique, il fut le compagnon de notre histoire, dès les origines de notre culture, la tradition veut que ce soit lui qui fut adopté comme le poisson symbole de la chrétienté. Avec quelques déviances étranges, ainsi Alexandre Dumas écrivait dans son "Grand dictionnaire de cuisine" :

« Il subsistait encore au XVIe siècle un usage assez bizarre parmi les chanoines de la cathédrale de Reims. Le mercredi saint, après les ténèbres, ils allaient processionnellement à l'église de Saint-Rémi, rangés sur deux files, chacun d'eux traînant derrière soi un hareng attaché à une corde. Chaque chanoine était occupé à marcher sur le hareng de celui qui le précédait et à sauver le sien des surprises du suivant. Cet usage extravagant ne put être supprimé qu'avec la procession. »

Je ne sais à quelle procession Alex fait allusion, il est possible que le champagne aidant, les chanoines soient revenus à la raison; hélas, nos religieux même imbibés de vin de messe pétillant (toujours du blanc pour ne pas tacher la nappe de l'autel), ont oublié la fantaisie du rang par deux (hareng, hareng, à petits pas tapons!), on rigolerait plus dans les cathédrales, non?

L'économie du hareng était un fondement de la société, une valeur sure à ce point qu'un roi prisonnier a vu sa rançon payée en harengs salés!

L'économie du hareng a failli tourner court dans les années 90, ce poisson étant devenu une victime de cette pêche que l'on nomme pudiquement "minotière". Une vraie gabegie, des poissons pêchés en vrac avec d'autres compères, comme le sprat, et plein d'autres, comme les très jeunes cabillauds, pour les transformer en huiles et farines, au grand profit des élevages de saumon.

Des quotas ont été mis en place en Europe, en 1997,  tant sur les pêches ciblées de harengs que sur les prises annexes des pêcheurs de "poisson fourrage" (le terme est plus choquant, mais c'est une réalité). L'abondance était finie, et mort avec elle cet adage des les ports du nord selon lequel "Lorsqu'on lance une hache dans un banc de harengs, elle y reste plantée droite". Les quotas furent bon gré mal gré respectés, la ressource commence à se reconstituer, chaque année le tonnage des prises allouées augmente doucement mais régulièrement. La pêche est un énorme enjeu de l'économie des pays nordiques, il semble que tout le monde là-haut en soit conscient et ne vomit plus sur les contrainte de préservation des espèces; l'un des meilleurs exemples étant l'histoire des grands flétans en Islande, je vous en reparlerai un jour!

J'aimerais une prise de conscience dans les pays du sud, dont la France qui agit assez correctement au nord, mais pas bien au sud, à l'instar de l'Espagne qui massacre sans scrupule les thons rouges et les anchois, pour ne parler que des stocks descendus à un niveau critique. Les solutions pour sauvegarder les ressources halieutiques existent, elles sont bêtement quantitatives, il nous reste à savoir intelligemment les intégrer dans notre culture, les consommateurs sont les ordonnateurs finaux, ils peuvent beaucoup en diversifiant le contenu de leurs assiettes marines.

Drôle de harangue...

Pour conclure par une note biologique un peu moins sérieuse, sur l'excellent Ester Kitchen, j'ai été promu au rang de "notre Cousteau à nous", je n'en suis pas peu fier en dépit de ma réticence à porter un bonnet rouge . N'empêche que le Commandant avait probablement les tympans abîmés par ses plongées pionnières, car il s'est mis le doigt dans le pavillon en intitulant ses films "Le Monde du Silence".  Les poissons sont bavards (en mer du moins, je ne m'intéresse pas aux carpes, même radoteuses);  je vous ai déjà parlé des grognements du saint pierre et du grondement du grondin, un jour je vous raconterai le brame du maigre, qu'on nommât "Roi des sardines", car on croyait qu'il leur donnait des ordres. Ne rigolez pas, c'était sur notre côte Atlantique...

Sachez que le hareng pète, je croyais pourtant que c'était l'apanage du mérou. Les harengs, d'Atlantique ou du Pacifique, montent en surface pour se gonfler d'air, qu'ils font transiter le long d'un canal pneumatique pour l'expulser comme vous et moi au niveau de l'oeil de Moscou. C'est leur façon de communiquer, et en rythme s'il vous plaît! Les scientifiques n'ont pas encore totalement déterminé les raisons de cette pratique, ils supposent que c'est leur façon de parvenir à se regrouper en bancs protecteurs dans l'obscurité des mers septentrionales.

J'aime aussi la mer pour cela, pour ces détails intimes du quotidien de ses habitants, ils m'émerveillent au fur et à mesure que j'apprends, comme une récréation perpétuelle de découvertes ingénieuses, un gai savoir... Cela dit, je ne peux plus contempler un hareng mort sans songer à son dernier et fondamental soupir, je suis trop poète pour rester scientifiquement distant... Ce n'est qu'en cuisine que je parviens à m'endurcir, alors on y va, vaille que vaille.

Le sucré s'invite chez le salé, dixième édition

Je ne participe que rarement aux challenges thématiques des blogs culinaire, mais ce jeu, initié par ma copine de Passion Culinaire voici plus de deux ans, est vraiment intéressant car il force la créativité.  En deux mots, il s'agit pour le gagnant de la précédente édition (d'après un jury, pas question de votes spammeurs), de choisir un ingrédient sucré, fruit ou autre, qui sera partie prenante d'une recette salée. La dernière à triompher fut Marion, de Tomaten Quiche, qui a désigné le spéculoos comme ingrédient sucré.

Je suis d'abord resté  dubitatif à l'idée d'associer des spéculoos avec un un fruit de mer, puis l'approche régionale est venue à mon secours, toute la Manche  est bordée de ports harenguiers, lesquels organisent annuellement des Fêtes du Hareng.

Les autres ingrédients se sont alors ordonnés facilement, d'autant que je n'en étais pas à la première variation sur l'accord hareng saur et pomme, un classique chez moi.  Par ailleurs, la saveur de cannelle très présente dans les spéculoos s'accorde traditionnellement avec celle de la pomme.

Tartare de hareng saur doux aux pommes et aux speculoos

Ingrédients

- un sachet de harengs saur doux
- une pomme acidulée
- deux ou trois spéculoos
- persil plat
- huile d'oeillette
- vinaigre de cidre
- poivre noir
- graines de fenouil germées

- Un vrai sucré-salé que cette recette, le hareng saur, même doux, ne doit pas être dessalé complètement, il faut qu'il conserve sa sapidité.

- Les spéculoos m'ont semblé bien plus sucrés que lorsque je les déguste à Lille avec le café, je n'ai trouvé que des "Lotus" au Mono du coin, une marque flamande apparemment (je n'ai rien compris à ce qui est écrit sur le paquet!).

- D'où l'intérêt d'utiliser une pomme à la saveur acidulée, ainsi celle de nombre de reinettes, ou comme l'une de mes variétés favorite (utilisée ici), la cox orange.

- Les graines de fenouil germées sont particulièrement bien adaptées aux saveurs marines, mais elles ne sont pas faciles à trouver, à défaut, utilisez des graines de radis ou de poireau.

- L'huile d'oeillette est de l'huile de pavot. Si vous n'en trouvez pas, utilisez de l'huile de noisette ou de noix.

Recette

Mettez les filets de hareng à dessaler durant une heure dans de l'eau froide, séchez les et coupez les en petits cubes. Taillez du persil plat en grossière chiffonnade. Épluchez la pomme et coupez la en cubes de la même taille que ceux de hareng.

Mélangez dans un bol avec un peu d'huile d'oeillette, de vinaigre de cidre et de poivre noir, réservez au frais.

Broyez les speculoos au mortier, sans les écraser totalement. Dressez à l'aide d'un cercle que vous ne remplirez pas totalement afin d'y ajouter une mince couche de spéculoos broyés. Répartissez les graines de fenouil germées autour.

harspec

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Une fois n'est pas coutume, on va boire de la bière sur cette recette, une belge, la Kwak, dont la saveur légèrement caramélisée va bien s'adapter à la saveur de mélasse des speculoos, tandis que sa puissance maltée va affronter sans ciller les saveurs du hareng saur et de l'huile aromatique.

kwak

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Commentaires
B
Bon, ça ne va pas du tout ça. Plus de recettes, plus d'histoires, je proteste. quand on est accro...
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N
Oéééééééééééé du Bateau !!!<br /> <br /> Oui oui je sais, c'est l'hôpital qui ... de la charité ;-)
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T
Un mois, trop court tu crois ? C'était le délai initial donné par Minouchka quand elle l'a créé, chez Hélène, il y avait 1 semaine de mieux seulement... <br /> J'aimerais bien voir ce que tu vas faire avec des fruits confits pourtant, je pense qu'il y a beaucoup de possibilités avec les produits marins...
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E
O capitaine sans bonnet rouge, je suis passée à Saint Remi à Reims à la mi-décembre, et n'ai trouvé nulle trace de cette histoire de hareng. La prochaine fois, je cuisine un religieux du cru pour avoir le fin mot de cette histoire...
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A
tu as osé, mais j'y crois à peine!! hareng saur doux... pour commencer! et puis le speculoos sur ton tartare...! et, enfin, -et là je ris un peu jaune- me rétrograder comme certaines autres l'ont fait avant toi!!! A mais on ne peut définitivement pas te laisser quelques semaines, tu es pire que le lait sur le feu! Allez, gros bisous, Breton Cousteau
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