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Cuisine de la mer
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13 septembre 2010

Tellines à l'ail, piment vert et ras-el-hanout

Lapin.

Ça y est je l'ai dit, ceux d'entre-vous qui me lisent en mer (ne niez pas, on me l'a répété!) vont me maudire, me vouer aux morgates tout en crachant dans le sillage du bateau pour conjurer le sort. Je vais recevoir des courriers péremptoires, comme quoi il ne faut pas plaisanter avec ces choses là, et me raconter ces anecdotes tant de fois entendues.

"Rigole pas, un jour un type a amené une terrine de cousin-du-lièvre à bord, et nous n'avons eu que des ennuis, moteur en panne, poulie coincée en tête de mat, et j'ai eu le mal de mer pour la première fois de ma vie". Ou encore, "Ce matin en partant prendre mon bateau, un salopard de garenne m'est passé entre les jambes, et juste après j'ai constaté que mon ancre avait dérapé pendant la nuit". 

(Au passage, je signale qu'il vaut mieux se pointer sur un boutre yéménite avec une terrine de lapin, plutôt qu'avec une boîte de pâté Hénaff, le pâté du mataf, car c'est quand même du porc, je me suis renseigné).

Comment des gens aussi rationnels et organisés que la plupart des marins à terre se ruent embarqués sur une vieille superstition, aussi surement qu'un piéton sympathique devient un automobiliste agressif à peine installé au volant, ou qu'un supporter de foot se met à éructer dès qu'on évoque le PSG (au hasard)?

Soyons juste, cette crainte de l'animal à grandes oreilles est la dernière subsistance folklorique d'une série d'interdits, avec aussi le fait qu'il ne saurait être question de corde sur un bateau. Il n'y en est qu'une de tolérée, celle de la cloche de la dunette. Et puis celle moins connue du loup de mer un peu sorcier, la corde à trois noeuds, également présente dans les sorcelleries de campagne, un bout magique. Si tu défais le premier noeud, tu obtiens du vent dans tes voiles. Avec le second, tu captes du vent un peu plus fort. Avec le troisième, tu déclenches la tempête, un truc bon à savoir mais qui ne figure plus au programme du permis hauturier.

Certains marins ont la mémoire plus longue, essayez un peu devant ces derniers d'allumer une cigarette à la flamme d'une bougie, ils ne supportent pas! 

Albatros

Autrefois, on ne prenait pas la mer un vendredi, on craignait l'albatros, présage de mort (et on le torturait parfois, à la Baudelaire), on savait que les goélands étaient porteurs des âmes des disparus en mer, on ne sifflait jamais sur un bateau (pour ne pas risquer de déclencher une manœuvre intempestive par confusion avec l'ordre du sifflet de gabier), la liste serait trop longue et par ailleurs, on savait parfois forcer le destin. Ainsi donnait-on un coup de scie sur le pourtour de la bouteille destinée à être brisée sur l'étrave d'un navire pour son baptême de mise à l'eau. Si ladite bouteille ne se cassait pas franchement, aucun marin sensé n'aurait accepté de s'enrôler. 

Croyances qui se sont retrouvées dans les théâtres, sur la scène desquels il est tout aussi inconvenant de parler de corde que de siffler. Le fait est que perchés dans les cintres, c'étaient souvent d'anciens gabiers qui ordonnaient les manœuvres de décors, au coup de sifflet également. 

gabi

Mes potes marins feraient moins les fiers si on appliquait à la lettre les anciennes proscriptions, notamment répugner à admettre une femme à bord, personne ne sait vraiment pourquoi (sinon de vagues risques de bagarres de coqs pour une créature du diable), de même que les prêtres n'étaient pas les bienvenus (ils peuvent attirer le diable, pour peu qu'ils aient négligé de laisser la porte de leur église ouverte, comme signe de leur retour). Notez que toute misogynie n'a pas disparu aujourd'hui, les femmes qui se font un nom dans la voile l'obtiennent par des prouesses en solitaire, très rarement comme skipper avec un équipage; notez aussi que ce n'est pas de la superstition à l'état pur....

Même le lapin n'échappe pas au sexisme, comme explications à son rôle néfaste sur un bateau, on évoque le fait qu'il rongeait l'étoupe de calfatage et provoquait des voies d'eau (ce que ne faisaient pas les rats, pas aimés non plus, mais on vivait avec), ou alors que leur urine corrosive venaient rapidement à bout des membrures de la coque (mon grand-père, qui comme tout marin qui se respecte élevait des lapins à terre, les serrait en geôle dans un clapier de bois, n'a jamais vu ce dernier faire naufrage au milieu des poules).  Au cours de quelques lectures pour ce billet, j'ai appris que cette crainte du lapin en mer serait venue de Saint-Malo, parce que son oreille évoquerait le sexe d'une femme. Je n'ai jamais eu suffisamment de connivence avec une malouine pour vous le confirmer, et à la réflexion, je n'ose même pas imaginer la scène...

Je ne n'imagine pas plus une recette de lapin sur ce blog, je ne sais pas si c'est l'atavisme qui joue, mais je ne l'ai jamais accommodé avec un produit de la mer, alors que je le pratique  régulièrement avec d'autres viandes, bœuf aux langoustines ou aux anchois, agneau aux algues, porc aux palourdes, soupe de poulet et crevettes, etc... 

martine_lapin

Je vous ai concocté aujourd'hui une recette de coquillages. Notez une dernière fois s'il vous reste de la place, que les marins n'aimaient pas les coquillages, qu'ils croyaient fabriqués à partir des os des noyés (on aurait pu aussi penser au sexe féminin, mais non, c'est juste de la croyance de libertin qui se figure que l'huître est aphrodisiaque). Ce qui ne les empêchaient pas de porter un collier fait de coquilles ramassées sur l'estran, censé les protéger de la noyade, tout se tient 

Tellines à l'ail, piment vert et ras-el-hanout

Ingrédients

- un kilo de tellines
- un piment vert "corne" du Maroc
- quatre gousses d'ail
- ras-el-hanout
- poivre noir
- huile d'olive

Comme beaucoup, j'aime les tellines en persillade, mais il faut savoir varier, je vous ai déjà livré ma version au piment d'Epelette au tout début de ce blog, mais ce jour là, j'ai fait le marché en pensant à une amie chère, qui aime la simplicité, l'humour et la finesse, Martigues et le Maroc, mais déteste les asperges en bocaux. Une sainte, une figure de proue pour ce blog. 

telmar

Recette

Plus simple et plus rapide, je n'ai pas... Commencez par vérifier vos tellines l'une après l'autre, par enlever les coquilles vides et les individus manifestement morts, ceux qui baillent sans retour. Rincez les et réservez les.

Ôtez les pépins du piment et coupez le en petits cubes, genre brunoise pour maternelle. Pelez et coupez l'ail en plus petits morceaux.

Dans une sauteuse, mettez les tellines avec une cuiller à soupe d'huile d'olive, couvrez et placez sur un feu vif, avec un couvercle.

Trente secondes après, ajoutez le piment et l'ail, et brassez. Une minute plus tard, assaisonnez de quelques tours de poivre noir et d'une cuiller à café bombée de ras-el-hanout. Remuez encore et servez dès lors que toutes les tellines semblent ouvertes, ne cherchez pas à ce qu'elles le soient toutes, certaines sont plus résistantes que les autres, vous en viendrez facilement à bout d'un coup d'ongle à table. A trop insister, elles seront certes toutes bien ouvertes, mais racornie de trop de cuisson. 

telmar1

Servez dans un contenant le plus simple possible, pour rester dans l'esprit de ce coquillage qui est à ma connaissance le plus petit que nous consommons sous nos latitudes. 

telmar2

...

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Commentaires
C
Je suis déjà une grande fan de ta version au piment d'espelette - celle-ci me parait tout à fait digne du plus haut intérêt également :)
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J
Martine a retrouvé son lapin, j'adore !!!
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C
La recette est exélente, l'anecdote vaut le détour mais qu'on m'explique quand même comment ils ont réussi à apporter des lapins en australie alors qu'il n'y a aucun train qui y va par mer et que ce n'est vraiment pas une espèce endmique
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K
bravo pour votre place d'honneur sur canal blog<br /> vos recettes mettent à l'honneur notre magnifique région <br /> ayant été embarqué sur un navire pour faire la pêche au thon pendant un été il y a presque trente ans (que le temps passe vite) je confirme que la femme n'avait alors pas sa place sur un bateau dans l'esprit de beaucoup de marins. Et je ne suis pas certaine que les mentalités aient beaucoup changées depuis.<br /> Quant à celle des "longues oreilles" elle est toujours d'actualité. Je ne connais aucun marin qui prendrait le risque dans emmener à bord.<br /> En tous les cas j'ai pris plaisir à te lire c'était très interessant. Et je reviendrai très vite c'est certain
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L
Bonjour je découvre votre blog parce qu'il est a à l'honneur. Mon coeur est en pays Bigouden, mais je vis en région parisienne et a chaque vacances retour au pays... Merci pour cette recette je vous mets dans mes favoris et je reviendrai souvent, même si par chez nous le poisson est mon bon qu'en Bretagne!!!<br /> Bonne journée.
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