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Cuisine de la mer
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2 janvier 2011

Risotto à la truffe et aux huîtres

Exil terrien en cette période où pour la première fois depuis très longtemps, je n’égoutte pas l’année de ses dernières heures en regardant luire  dans ma vieille cheminée une braise au-dessus de laquelle dorent d’indispensables produits de saison, huîtres ou coquilles Saint-Jacques le plus souvent.

Auparavant j’aurais marché de longs moments au blanc soleil d’hiver se reflétant sur le sable gris de la marée basse, aussi lisse et brillant qu’une pâte de blé noir. J’aurais aperçu assez loin sur les mêmes grèves quelques promeneurs aussi éperdus de solitude que moi; à ces instants-là, on  ne pense qu’à soi et on prend garde à rencontrer le moins de monde possible.

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L’esprit gambade, vers ceux qu’on aime d’abord, ceux qu’on aimerait bien quand même voir marcher (en silence) à notre côté, ceux qui savent la valeur de ces errances littorales où tout notre être se régénère et frissonne autant d’immense beauté que de ce petit nordet qui a chassé les nuages.

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L’air incroyablement pur et salé, la familiarité des oiseaux de mer qui eux-mêmes semblent pensifs, blottis au bout des môles, la violente lumière du clapot, les rochers du Lizen qui n’ont jamais été aussi noirs... tout cela donne un vrai sens à l’hiver, au bonheur retrouvé des plages désertées, virginité restaurée par vents et marées où nos pas osent à peine se croiser, et encore moins s’embrasser.

blocs

Errance de l'âme et des pieds sur les grèves lisses, à chaque pas les songes ou les pensées glissent; tout débris abandonné par les vagues devient présage, promesse ou précieux butin de coureur de plage.

*****

Au lieu de tout cela, j’ai été provençal, même pas sur la Méditerranée, dans le Haut-Var et le Vaucluse, au pays des vignes, des chênes et des garrigues. Lorsque nous sommes arrivés le temps était de la partie, petit vent frais et crachin, l'idéal!

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Lou pêchou

En me décarcassant à cueillir du thym sur la Sainte-Baume, bien abrité sous la cagoule de mon kabig, mes bottes de mer clapotant dans des flaques à peine dégelées, je me suis un moment cru aux bigorneaux dans les Orcades, bref, un climat très sympa, de ceux qu’on n’ose plus micro-produire en Bretagne afin de ne pas être dénigrés par les présentateurs météo qui confondent facilement hygrométrie et hypochondrie.

Puis le temps s’est gâté avec l’apparition du soleil. Je ne m'en suis pas méfié une seconde, chez nous lorsque le soleil pointe, on sait qu’il va faire chaud et lourd. Là non. Le mistral qui a chassé les nuages déboule du nord à toute vitesse et il est aussi glacial que ma fille lorsque je lui propose un stage linguistique chez un dresseur de phoques en Alaska. 

Je me suis alors plutôt cru au Groenland, lorsque avec mon camarade Victor Polémique, nous pêchions de grands flétans bleus dans une pirogue bantoue. Une franche Sibérie sans Zahia, si je puis me permettre. C'est d'ailleurs étonnant comme le paysage provençal, et singulièrement les habitations, se transforment avec les saisons.

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Été

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Hiver

printemps
Printemps

Immédiate et grosse nostalgie de la douceur de mes abers, alors que réfugié au creux d’une couette d’où je ne daignais surgir que pour quelques attentats terroiristes, je redessinais en pensée le microclimat qui a fait de moi la créature tendre, opulente et luxuriante que je suis devenue à force de m’y ébattre sans retenue. 

Gelé pour gelé, terrien pour terrien, je me suis largement consacré à la principale  ressource souterraine du terroir, à savoir le diamant noir, ou truffe. Tout en disant in petto que, quitte à avoir des trucs noirs dans le sous-sol et avec un tel climat, les autochtones auraient été plus inspirés d’y implanter du charbon. Dans le nord de la France, où les conditions météorologiques peuvent parfois être aussi rudes, ils y ont pensé depuis longtemps, même si la tradition se perd aujourd’hui : les boulets sont d’une autre nature, ils font des chtis films folkloriques…

Il n’y a que deux façons de chercher des truffes, soit on creuse au hasard sous des chênes, soit on se fie à un animal, un cochon, un chien ou une mouche (oui, il y a une espèce de mouche qui vole dans les truffières, et se pose là où sont enterrés les précieux champignons pour y pondre,  mais par ce froid, vous pensez bien qu’elles restent cloitrées dans leurs moucheries).

Le chien, idéalement équipé d'une truffe au bout du museau, semble aujourd’hui être l’auxiliaire le plus prisé pour caver, puisque c’est ainsi qu’on désigne l'action de récolter les truffes. Cela viendrait du latin "Cave canem", locution dont on prétend à tort qu'elle signifie "Prenez garde au chien" ou "Le caviste se rebiffe", alors que c’est "Cherche des truffes, Médorus". 

("Cave canem" fut aussi l’une des devises des marins de Saint-Malo. Ces derniers arboraient un pavillon où un dogue était représenté pour signifier qu’ils étaient prêts à combattre, en référence à ceux qu’on lâchait la nuit pour protéger la ville. Pourtant, il n’y a jamais eu de truffes à Saint-Malo, pas plus que de charbon d’ailleurs, ce que l’on trouve parfois dans le sous-sol des plages, ce sont des boulettes de pétrole, voire des crottes de chien).

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Caviste provençal
et ses chiens truffiers

Bon, avant de déclencher une levée de pompes à huile de la part des provençaux, je précise que je les aime beaucoup (à commencer par ma femme) ainsi que leur pays. Mais comme on dit à Marseille, "Que vogue la galéjade, tant qu'aucun iceberg ne bouche le Vieux Port"...

Bref, je suis revenu d’Aups et Carpentras avec pas mal de truffes, et l’un des premiers billets que j’ai lu en rentrant est celui de Marie-Claire sur l’un des blogs que je trouve le plus talentueux tant dans le style que dans le contenu, "du miel et du sel", avec un magnifique reportage sur le marché aux truffes de Richerenches, dans le Vaucluse. Nous avons un peu causé dans les commentaires de ce billet, et là Marie-Claire me fait découvrir le beurre de truffe et son sublime dans un risotto, c'est-à-dire de la truffe râpée dans du beurre, salé bien entendu.

Attention, lorsque je dis "beurre salé", je ne mentionne pas celui avec des cristaux de sel, qui est au beurre ce que le Crunch est au chocolat. Pour moi le beurre c’est onctueux, c’est lisse, et ça se tartine sans accroc. Si je veux du croquant, j’ajoute moi-même un peu de fleur de sel, et c’est bien meilleur.

Aujourd’hui, mon beurre préféré, en dehors de quelques fabrications vraiment artisanales, n’est pas breton, pas plus qu’il n’est normand ou poitevin. Il est fabriqué dans le Pas-de-Calais, je l’ai goûté par hasard dans une crèmerie parisienne qui ne vend plus la version demi-sel, mais récente et divine surprise, je l’ai trouvé en furetant dans les rayons de La Grande Épicerie de Paris. Il s’appelle  "Au bon beurre", comme le roman de Jean Dutourd sur les B.O.F. et la collaboration, ce n’est j’espère qu’un hasard!

J’étais vraiment content de découvrir le Bordier, qui avait naguère un vrai goût de pâturage et de laitage généreux,  j’y retrouvais les saveurs de mon enfance, à l’époque où les vaches mangeaient de l’herbe et du foin, et peu de ces aliments protéinés, ou de maïs d’ensilage qui change vraiment la saveur du lait en hiver. Aujourd’hui, ce beurre connait une telle diffusion que ses qualités se sont forcément édulcorées à mon sens.

Je ne parle même pas des beurres aromatisés dont cette maison se fait une spécialité, pimenté, aux algues, au yuzu ou soi-disant fumé, sommes-nous assez ramollis pour ne pas mélanger un peu de beurre mou avec les épices ou aromates qui nous conviennent et en quantité idoine?

C’est ce que j’ai fait avec une truffe et un peu de cet excellent beurre nordique. Ce risotto  a été le point d'orgue de notre repas familial du 31 décembre (oui, je ne suis pas fan des fêtes à dates convenues, j'en pratique bien assez toute l'année pour devoir en plus participer à cet éclatement collectif rituel), où j'invite toujours des coquillages.

Les plus assidus d'entre vous l'ont remarqué, c'est la troisième recette d'huîtres cuites en peu de temps sur ce blog (et on m'objectera également que c'est tellement meilleur nature que c'est du gâchis de les cuisiner). Certes, mais non seulement c'est la saison mais de plus durant la période des fêtes, on trouve un très beau choix chez la plupart des poissonniers parisiens. Par ailleurs, les plus perspicaces d'entre vous auront observé que c'est un blog de cuisine de la mer ici, et que donc, il n'est pas hors de propos de cuisiner les huîtres. 

J'ajoute que je suis très concentré sur les huîtres depuis quelques temps, surtout depuis qu'une très chère amie provençale m'a fait le plaisir de m'inviter à répondre à quelques questions pour l'un de ses fameux dossiers Marmiton. 

Voici donc cette recette de risotto, qui était un pari risqué, autant j'aurais été sûr de moi avec des coquilles saint-jacques (auxquelles j'ai réservé un autre traitement en entrée, mais vous verrez cela plus tard), autant une fois de plus, j'ai dû gamberger sec pour qu'on retrouve entières les saveurs de ces deux magnifiques produits.

Risotto à la truffe et aux huîtres

Ingrédients

Les proportions indiquées sont pour trois personnes.

- trois tasses de riz "arborio" pour risotto
- quarante grammes de truffe "tuber melanosporum"
- dix-huit huîtres spéciales
- bouillon de coquillages 
- cinq échalotes
- deux cuillers à soupe de crème fraîche épaisse
- un grand verre de vin blanc 
- trois cuillers à soupe de vodka
- beurre demi-sel 
- sel
- poivre noir 

Utilisez des huîtres spéciales, de calibre 2 ou 3 au minimum, il faut qu'elles soient bien charnues. Le bouillon de coquillage se trouve sous forme d'infusion dans le commerce, sous la marque Ariéké. A défaut d'en trouver, vous pouvez confectionner un fumet avec des bardes de coquilles saint-jacques, des clams, des amandes de mer, une arête centrale de poisson plat (sole de préférence), et quelques aromates.

Recette

> Mises en place

- Au moins la veille, râpez finement la moitié de la truffe et malaxez la avec 50 grammes de beurre. Ainsi préparé à l'avance, le parfum de la truffe imprégnera bien la matière grasse et se diffusera ainsi de façon optimale dans le risotto. 

- Ouvrez les huîtres (ici des spéciales d'Isigny, un régal), jetez la première eau, et mettez les poissons à égoutter dans une passoire fine au dessus d'un bol, pour recueillir la seconde eau que vous conservez. Hachez en petits cubes neuf des huîtres, et replacez les neufs autres dans leur coquille (sans le couvercle). Disposez par dessus une noisette de beurre malaxé avec deux petites échalotes et bien poivré. 

- Coupez les reste de la truffe en petits dés. 

- Préparez le bouillon de coquillages comme indiqué, et ajoutez-lui l'eau des huîtres. 

- Battez la crème fraîche pour la faire un peu foisonner. 

> Cuissons du risotto et des huîtres

- Préchauffez le four à 180°

- Dans une casserole épaisse, mettez à revenir trois belles échalotes dans un bon peu de beurre, sans laisser colorer. Ajoutez le riz, et cuisez une ou deux minutes, en remuant, le temps qu'il soit "nacré". Ajoutez une louche de bouillon chaud et le vin blanc, et faites cuire sans cesser de remuer jusqu'à ce que tout le liquide soit bu. Continuez jusqu'à ce que le riz soit presque cuit à votre convenance.

- Sept minutes avant ce stade, mettez les huîtres dans leurs coquilles au four, et les huîtres et la truffe coupées en petit dés dans le risotto. Mouillez encore d'un peu de bouillon et de trois cuillers à soupe de vodka. 

- Peu avant de servir, incorporez la crème fraîche, poivrez et salez (attention pour le sel à l'impact de l'eau des huîtres et du bouillon, goûtez avant), et au tout dernier moment, ajoutez le beurre de truffe. 

- Servez dans des assiettes creuses chauffées (des assiettes-bols sont idéales), placez trois huîtres sur chaque portion, et arrosez du jus de cuisson des huîtres, disons l'équivalent d'une généreuse cuiller à soupe (pas plus ou ça "baignera" trop, la dose idéale est celle que vous voyez ci-dessous autour du riz). 


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Nous avons adoré, l'accord huîtres-truffes qui intriguait beaucoup mes deux convives et cobayes habituels, s'est révélé parfait dans ce risotto discrètement relevé de vodka.  Et cela en dépit d'une petite erreur que je n'ai pas reproduite lors de la rédaction de cette recette. Même aussi créatif que je tente de l'être en cuisine,  je me laisse prendre comme presque tout le monde aux poncifs du genre, et j'ai ajouté un peu de parmesan râpé. C'est inutile et ça risque même d'être nuisible en trop forte quantité.

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Mon régime et ma modération battent toujours son plein, même si en cette période, je supporte quelques entorses qui ne vont toutefois jamais jusqu'à la fracture ouverte. J'ai donc débouché ce vin blanc qui est l'une de mes références d’aujourd’hui. Aussi à l'aise à l'apéro avec de la baguette et du foie gras que sur ce risotto complexe. Le vignoble est à Saint-Rémy-de-Provence et le vigneron est un grand faiseur.

J'en profite habilement pour lever mon verre à votre santé, et pour vous souhaiter une très belle année 2011, un raz de marée de bonheur et de saveurs. 

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Commentaires
C
ahaha, je t'y prends, tu lèves encore ton verre !!!<br /> Je lève le mien à ta santé aussi !!!<br /> Et ce soir coïncidence, ce sera risotto à la truffe d'alba mais sans huîtres, elles n'ont plus la force de ramper jusqu'en Moselle.
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M
M'en irais bien visiter le pays avec le caviste provençal...<br /> Très belle année à toi !
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M
Je te l'accorde, l'hiver est plus doux en Bretagne qu'en Provence. Mais comme j'aurais aimé y passer la fin de l'année…<br /> Et puis le sel avec les cristaux, j'adore !
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C
Que te dire en ce début d'année .....recettes et recettes toujours appréciées ....lecture et lecture de ton blog qui nous fait voyager ,découvrir ....mais surtout te dire .....Blavez mad .....
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A
J'ai bien fait de me le garder pour les dernières minutes du réveil celui-ci... bien qu'il m'ait conduite à une triple lecture tant il me parle. Point de solitude pour moi dans mes terres bretonnes pour ce réveillon là. Quand bien même j'y aurais été seule que cette dernière n'aurait pas été au rendez vous, de toute manière... Que te souhaiter de meilleur que ton retour très prochain dans tes abers? je t'embrasse fort, mon grand comparse breton d'âme, de coeur et d'écriture
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