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Cuisine de la mer
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25 mars 2011

Coquilles saint-jacques grillées au beurre de combava

Cuisiner les bêtes étranges de la mer est une source de découverte et d'étonnement permanents...  Formes, couleur, aspect, tout cela est tellement différent de nos nourritures terriennes, sans doute une question d'habitude. Je dis souvent que celui qui a goûté une huître pour la première fois, a fait preuve d'un étonnant courage, mais on pourrait en dire autant pour celui qui a consommé le premier escargot ou testé les différentes espèces de champignons. 

J'en découvre encore en mer de drôles de bêtes, tout comme depuis que je m'intéresse de près à la nourriture asiatique, je me dis que nous autres occidentaux, nous sommes vraiment limités en matière de diversité alimentaire. On prétend parfois que dans ces pays, on mange tout ce qui vole, sauf les avions, et tout ce qui a des pattes, sauf les chaises. C'est exagéré, on ne mange pas non plus les tables.

Par ailleurs un aliment anodin peut y devenir une épreuve redoutable, prenez un oeuf de cane par exemple. Vous avez 21 ans et n'avez pas goûté au quart de la vie, quand votre pote vietnamien vous sort de son cuit-vapeur un tel oeuf, mais avec un embryon de poussin malodorant dedans.  Comme je tordais le nez, et sans doute le reste avec, le voilà qui m'entreprend sur le thème que je mangeais bien du lait pourri. Du camembert en fait.

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(Source)

Il existe donc bien un fond culturel et atavique, à nos blocages vis à vis de certains produits (j'ai quand même bouffé mon foetus de caneton, mais je n'ai pas recommencé depuis).  

Il s'agit parfois d'imitation, d'influence  de l'entourage, voire d'éducation. Prenez ma fille (en exemple, parce que pour le reste, vous repasserez !), petite elle dévorait presque tout sans complexe, les fromages forts, les huîtres grasses, les figatelli crues et j'en passe, puis peu à peu elle a adopté les mêmes comportements de refus de ces denrées que sa mère ou ses copines (de même qu'elle écrasait les araignées d'un pouce déterminé, et que maintenant, elle préfère que je m'en occupe). Cela dit, c'est une authentique gourmande et elle aime bien plus de choses que la plupart des autres filles de son âge, j'en reçois assez à la maison pour le mesurer.

Éducation ou simples habitudes familiales, il vaut mieux naître dans une famille de gourmets pour en devenir un. J'ajoute qu'il vaut mieux aussi avoir une grande diversité de produits à sa portée. Il est plus facile de diversifier les menus lorsqu'on est à Paris où on trouve quasiment tout, que dans d'autres régions moins bien ravitaillée. Jusqu'à une période récente, il était difficile de trouver du poisson frais dans certaines villes moyennes de la France, si j'en crois la correspondance que je reçois.

Les interdits religieux peuvent peser lorsqu'ils deviennent culturels. J'ai des tas de potes dont la famille a été de confession musulmane ou juive, et qui bien que non pratiquants, voire non croyants, ne mangent pas de porc. 

La réticence est parfois d'ordre sanitaire. Le porc cru est à juste titre, considéré comme un vecteur de parasites transmissibles à l'homme. Or voici qu'un jour, le même ami vietnamien se pointe à la maison avec un filet de nem chua, qui sont de la viande et de la couenne de porc fermentées, à l'apparence encore très crues. Nous assurant qu'on ne craignait rien à condition de manger de l'ail et du piment avec. Depuis nous en mangeons très souvent.

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N'oublions pas que manger tue et/ou détruit la planète. Le principe de précaution fait des ravages, à commencer par ces milliers de vaches flinguées juste parce quelques unes avaient chopé une encéphalite. Je ne veux pas sous-estimer ce genre de risque, mais quand même, la vache folle c'est fini, la grippe aviaire n'a pas tué les milliers de personnes qu'on nous promettait, le poulet à la dioxine est un évènement isolé.

J'ai parfois l'impression qu'on focalise sur ces évènements dramatisés à dessein; pendant ce temps là, on parle moins des substances vraiment très nocives que nous consommons au quotidien, les pesticides, les médicaments et les déchets industriels, dont les métaux lourds. On se fait peur avec un nuage radioactif du Japon que vraisemblablement nous décèlerons à peine, alors qu'on ingurgite des herbes et des épices irradiées (par rayons ionisants, rien de radioactif en fait, procédé qui ne serait pas dangereux, ah bon), depuis des années.

Toujours dans ce registre, il y a les couples maudits, sucre-obésité, édulcorant-cancer, graisse-cholestérol, et les couples vertueux, poisson gras-oméga3, fibres-mieux être, graines-santé, légume-détox, et si on arrêtait un peu de se laisser soumettre à ces a priori qui sans être faux, sont largement exploités pour conditionner nos assiettes. Ces couples existent peu ou prou, mais de là à transformer nos assiettes en contrainte plus qu'en plaisir, c'est trop.

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Presque tout le monde aime le veau, l'escalope convenant même aux plus timorés des saveurs carnées ou de l'aspect d'une viande rouge. Cependant, je n'oserai pas servir des abats du même animal à des personnes que je reçois pour la première fois. Avec des graduations... Les ris, ça passe, le foie à la rigueur car c'est aussi un abat chic (j'ai un copain qui dans son restau refuse quand un client le lui demande bien cuit, prenez autre chose...), mais si on passe au coeur, aux rognons, à la langue, c'est la débandade. On notera que la plupart de ceux qui déclarent ne pas consommer d'abats se délectent de foie gras...

Sans entrer dans les entrailles, d'autres morceaux du "cinquième quartier" sont regardés avec suspicion, la queue, la tête et les pieds, genre comment peut-on en arriver à ces extrémités? J'avoue que me voir manger des pattes de poulet ou des langues de canard peut en déstabiliser plus d'un, nourri à la cuisine bourgeoise depuis sa tendre enfance.

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La situation est aussi complexe pour les produits de la mer. Prenez les algues par exemple, nous étions voici une trentaine d'année quelques pionniers à défendre non seulement leur consommation, mais le réel potentiel gastronomique qu'elles recèlent. Oui, même celui des algues vertes tant honnies (à raison) quand elles pourrissent en excès sur les plages, mais si délicates lorsqu'on les cueille à la fin du printemps. Ceux là même qui s'accommodaient du piquant du cresson, de la fadeur des endives, de l'iodé de la salicorne ou du coriace amer de la barbe de capucin, rejetaient ou repoussent encore ces merveilleuses plantes marines.

Même si sous l'effet du végétarisme, du bio et de la mode japonisante, les algues font désormais partie du paysage alimentaire français (à chacun son PAF), elles ne restent consommées que par une partie éclairée de la population et par les amateurs de makis.

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Les animaux marins projettent curieusement moins de fantasmes que les animaux terrestres, presque tout le monde aime les crevettes, et pourtant l'analogie avec un insecte est facile. Manger de l'anguille ou du congre ne dérange que vraiment ceux qui ont la phobie des reptiles, et encore, coupés en tronçons...

Des bestioles aussi improbables que les oursins, dont on ne consomme que les gonades, les bulots qui sont des détritivores, sont mangées avec décontraction, pour peu que la saveur ne dérange pas. La nouveauté fait parfois peur. Je suppose que vous avez tous vu la disparition des étals du beryx, un poisson de grande profondeur? Il est toutefois encore là, mais il est désormais vendu comme "empereur". Beryx, ce nom inquiétait et dès qu'il fut modifié, les ventes démarrèrent.

 Le poisson le plus unanimement apprécié est la lotte, qui présente toutes les qualités requises pour séduire l'amateur non éclairé. Poisson blanc, sans arête, facile à cuisiner car même bien cuit il reste bon (contrairement à presque tous les autres qui méritent au moins le "rose à l'arête"). Par ailleurs, comme sa saveur est assez quelconque, il s'accommode d'à peu près toutes les préparations. Il est néanmoins le plus souvent vendu sans la tête en France, car celle-ci inspire une certaine frayeur aux consommateurs non avertis, on peut comprendre...

Comme on peut comprendre que ma femme et ma fille aient refusé de manger les anémones de mer que j'ai cuisinées un jour, et que je sens qu'un vent de révolte soufflera le jour où je ferai décongeler la méduse en saumure que je me suis procurée et qui attend son heure pour semer le trouble dans mon foyer.

Par ailleurs, je ne sais pas jusqu'où irait ma témérité, j'ai déjà goûté à des choses aussi étranges que l'holothurie, les crevettes vivantes, etc... mais là, dans un bouquin que je viens de me procurer, je suis tombé sur un poisson-pénis, qui est en fait un ver marin dont les coréens en particulier semblent se régaler. Le livre, c'est "Ca se mange", du photographe Neil Setchfield, qui a parcouru le monde et photographier ce qui est le régal des uns et le dégoût des autres, des insectes aux abats en passant par la mer.

J'étais assez content de pointer au fil des pages les différents mets auxquels j'avais goûté, plus des deux tiers, de même que je pensais que ce livre contient pas mal de lacunes (anémones de mer, violets...), quand j'ai quand même bloqué sur ces "gaebul", voici une photo, non extraite du livre mais de korea.food.com :

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Parfois, la nature nous fait carrément des farces, et sur deux saisons consécutives, j'ai en eu mon content, déjà en 2009 dernier en découvrant que les coquilles saint-jacques de mon coin ont la coquille intégralement noire, j'en avais parlé ici, et je vous remets la photo ci dessous :

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L'autre jour, j'ouvrais les coquilles destinées à être accommodées au combava, quand l'une d'entre elle me paru avoir un énorme corail. ce qui me contraria, car je ne consomme que rarement cette partie sexuelle et insipide de l'animal, j'enlevai les barbes d'un geste un peu contrarié, et découvrait une noix d'une étrange couleur orangée, fixée à la coquille par un pied resté lui bien blanc. 

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En en parlant autour de moi, notamment à ma copine Marthe qui me dit en avoir également trouvé cette saison, et à mon pote Jean-Luc L'Hourre, qui en voit passer quelques unes depuis des lustres qu'il les cuisine dans sa maison étoilée, et qui m'a assuré que ça arrive de temps en temps...

Cela doit être localisé à notre région, puisque l'un des plus grand spécialistes de ce coquillage, mon camarade Dimitri Rogoff, pêcheur à Port en Bessin et à l'origine du Label rouge pour la Coquille Saint-Jacques Normande, m'a demandé si je pouvais lui passer les photos ci-dessus.

Bon, ne pensez pas pour autant que c'est à cause de cette couleur que je les ai préparées avec une inspiration asiatique, je l'avais dit avant !

Coquilles saint-jacques grillées au beurre de combava

Ingrédients

- 12 coquilles saint-jacques
- beurre salé
- un combava
- huile de combava
- un piment rouge thaïlandais
- poivre noir

Ces proportions correspondent à une entrée pour quatre personnes.

Recette

Préparez 300 grammes de beurre mou, dans lequel vous râperez le zeste d'un combava; vous y ajoutez quelques gouttes d'huile de combava (à ma connaissance, le seul à produire ce nectar que j'utilise souvent comme condiment est Roellinger), et quelques tours de poivre noir. Vous incorporez également un petit piment thaï, soigneusement épépiné et haché au couteau.

Ouvrez les coquilles saint jacques, placez la pointe d'un couteau et votre pouce à l'arrière de la noix, dans la partie la plus creuse de la coquille. Pincez entre les deux les barbes et le manteau, et tirez, tout vient d'un coup ne laissant que la noix. Cette méthode est la plus commode, mais elle élimine le corail, je ne le regrette pas...

Lorsqu'il ne reste plus que la noix, rincez sous l'eau courante, inutile de la détacher de la coquille, la cuisson s'en chargera. Déposez une noisette de beurre au combava dans chaque coquille, et enfournez à four chaud, 200°. La cuisson est atteinte lorsque le beurre a commencé à bouillir dans la coquille, mais j'aime aussi le laisser colorer un peu.

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 Après cuisson, comme pour toutes ses voisines, l'intérieur brun-noir de la coquille de notre spécimen a viré à la couleur brique, mais la noix a conservé son bel orangé. Privilège du cuisinier, et du blogueur expérimental, je me la suis réservée. J'aurais aimé pouvoir vous dire qu'elle avait plus une saveur d'agrumes plus marquée que les autres, un relent saumoné ou la douceur de la patate du même métal. Mais non, rien à signaler....

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Commentaires
G
Je suis pour le plaisir, les pattes de poulet frites (une de mes madeleines) et les St jacques au Cumbava de Patrick.<br /> Et contre, bien sur, les diktats en tout genre.
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L
Ben quoi ? C'était juste une noix rouquine après tout ! Au passage, miam la coquille au beurre de combava, c'était notre repas de réveillon à Noël
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S
Oh la la, il y a bien des mets cités dans ce billet qui me font penser que je suis un peu bourgeoise... Mais bon, j'essaie quand même. Les tripes frites au Saigon, c'est grâce à toi que j'en ai mangé ! Bisous.
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E
Chez nous, on donne la noix au chat, on fait un cendrier avec la coquille et on mange le corail, oui Monsieur, cru, les yeux clos et la babine frémissante.<br /> Cool recette, cela dit
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V
Bon, alors, moi j'ai arrêté de fumer, j'ai arrêté les noix de cajou, alors merde, je continue le Coca zéro, et flute pour le cancer.<br /> Sinon, purée, de la méduse saumurée !!! des langues de canard !! des gaebuls ??? tu veux nous faire tourner de l'oeil, c'est pas possible :-) <br /> T'es sûre que ta saint jacques, là, elle a pas fait un malaise quand elle a su avec quoi elle allait devoir partager ton frigo ?<br /> lol
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