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Cuisine de la mer
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9 avril 2011

Pastilla d'Essaouira

Je me dépêche (ou presque) de publier ce billet, car j'ai semé l'émoi (et qui sème l'émoi récolte le calendrier despote) lors de cette journée du 1er avril 2011, dont vous vous souviendrez comme celle où Cuisine de la Mer a failli s'arrêter. 

Autant vous dire qu'on a gueulé dans les criées, râlé dans les ralingues, hurlé dans les haubans et hué au Viet Nam. Je me suis pris des bordées d'injures à bâbord et de tristes regrets à tribord; on m'a cherché des poux à la proue et des poulpes à la poupe, comme quoi j'aurais le compas sans compassion et la barre complètement barrée. On m'a accusé d'avoir l'encre en cale sèche et l'ancre sans miséricorde, de tout laisser en rade, de baisser mon calmar et de me faire la baie, bref de terminer en queue de poisson. 

Vous me connaissez, je pourrais continuer sur ce mode jusqu'à la prochaine grande marée, mais je reçois des réflexions sur l'excessive longueur de mes billets, je vous jure, les gens ne sont jamais contents... Alors oui, c'était une farce (j'en ris encore comme une garcette de ris), j'imagine que le principe ne vous choque pas de la part d'un cuisinier qui par ailleurs, prétend ne choquer que des voiles. 

plate

Après avoir prétendu renoncer à tous les produits de la mer, voici que je vous ai concocté une recette dans laquelle on trouve un poisson, un crustacé, un coquillage et un céphalopode, entre autres bricoles comestibles : A propos de longueur, la tradition stipule qu'une recette de pastilla ne peut s'écrire en moins de mille mots, tant on s'attache à y mettre des ingrédients variés.

Essaouira

"Essaouira, Essaouira, les aristocrates à la lanterne", comme le dit la chanson qui nous conte Versailles. A la lanterne peut-être pas, mais à la Bastille plus surement, et parce la langue arabe ne connait pas le "p", encore plus certainement à la bastilla (bastella au Maroc, à rapprocher du bastelle corse mais néanmoins comestible).

De fait, le mot vient du grec pasta, et s'est diffusé dans toute la Méditerranée, bien avant qu'un certain Jean Pastilla, arrivé en France dans les bagages de Catherine de Médicis, n'invente la pastille dont nous nous nourrirons tous bientôt, si on se laisse faire.

Lorsque j'ai découvert cette préparation volaillère plus sucrée que salée, entourée de feuilletage et saupoudrée de sucre glace comme s'il en neigeait, je l'ai aussitôt située dans l'univers hostile des pâtisseries.  Je ne m'en suis plus préoccupé, jusqu'à un récent séjour au Maroc où j'ai goûté une version aux fruits de mer, après qu'on m'eut expliqué dans un restaurant de Marrakech qu'on ne met pas de sucre dans la version aux fruits de mer, c'est en cela aussi qu'on reconnait une grande civilisation.

En fouinant sur internet par la suite, j'ai découvert que la pastilla que j'avais en tête de reproduire est dite d'Essaouira, et j'en fus bien content. C'est une ville, un port, une forteresse qui me fascine depuis longtemps, rien qu'à prononcer son ancien nom "Mogador", j'ai comme des émois corsaires dans le grand mat.

Essaouira, la ville aux portes et aux barques bleues, aux remparts sans cesse battus par les vents, le Saint-Malo de l'Atlantique. Ne croyez pas que je raconte n'importe quoi pour faire joli dans le lyrisme pour plage et banquets. C'est en effet sur le modèle de Saint-Malo que cette autre forteresse maritime a été bâtie, par Théodore Cornut, un gars de la veine à Vauban. C'est criant non?

stmalo
essaouira

Depuis cette époque, il est coutumier sur le port de Saint-Malo à ceux qui prennent la mer "Ne crains pas, tu essaouiras des tempêtes amères, mais le mirage sucré des mers de sables te consolera". Saint-Malo, où par ailleurs semble s'organiser un pique-nique à base de blogueurs bretons et sympathisant de la cause, tous les renseignements sont ou seront disponible chez l'autorité locale en matière de blogomiameries, Mademoiselle Gwen. J'y serai si les crabes ne me bouffent pas avant. 

Pastilla d'Essaouira (aux fruits de mer)

Ingrédients

- feuilles de brick
- beurre
- 350 g de filet de poisson blanc
- 350 g de calamar
- 250 g de grosses crevettes roses (ou des gambas)
- 750 g de coques
- 150 g de vermicelles de soja
- 2 oeufs
- 1 petit citron confit au sel
- 1 gousse d'ail
- 1 bouquet de coriandre fraîche
- trois pincées de filaments de safran (0,5 g )
- une cuiller à café rase de niora (piquant ou non, à votre goût)
- poivre noir
- sel

Comme je l'écrivais en début de billet, faire une pastilla constitue pour moi  l'incursion ultime dans le domaine de la pâtisserie, un monde où tout est quantifié, que si tu ne sais pas utiliser une balance (j'oublie souvent la tare), et un gobelet mesureur  (je me trompe souvent dans les ml et les cl, voire dans les règles de trois), tu te retrouves vite disqualifié avec une recette que tu ne comprends pas pourquoi tu l'as ratée...  Je préfère cuisiner dans mon style ménopausé, je veux dire sans règles.

Cela dit, puisque ce jour je suis dans la pâtisserie, je fais un effort et je précise les quantités à utiliser, mais c'est pour déconner, vous pouvez concocter le mélange de produits de la mer que vous voulez, mais honnêtement, la recette telle qu'elle est réalisée ici est savoureuse et très bien équilibrée.  Notez toutefois que les poids sont donnés pour les ingrédients bruts, pour  les coques en particulier, ça a du sens de le préciser ! 

Recette

- Portez à ébullition une casserole d'eau, éteignez le feu et laissez-y tremper les vermicelles de soja pendant deux minutes. Egouttez, rincez à l'eau froide, coupez en morceaux de trois à quatre centimètres environ.

- Nettoyez les coques, faites les ouvrir dans une casserole couverte. Filtrez le jus de cuisson et mettez-y le safran à infuser. Enlevez les coquilles.

- Videz et nettoyez les calamars, coupez-les dans leur largeur en fines lanières. Placez-les à froid avec un peu d'huile d'olive dans une poêle, et faites chauffer. Dès qu'ils ont rendu un peu d'eau, égouttez.

- Décortiquez et coupez en trois ou quatre tronçons les queues des crevettes.  Coupez le filet de poisson en morceaux pas trop petits.

- Enlevez la pulpe du citron confit et coupez l'écorce en petits dés. Ciselez les feuilles du bouquet de coriandre.

- Dans une jatte, mélangez tous ces ingrédients, ajoutez les oeufs, le niora, le sel et le poivre. Laissez une heure au repos au frais, le temps que l'osmose des saveurs commence à s'opérer.

- Au fond d'un à moule à gâteau (et c'est là que ça se gâte), disposez deux feuilles de brick préalablement enduites au pinceau de beurre fondu. Puis ajoutez quatre feuilles, en les faisant largement déborder en dehors du moule. Remplissez avec l'appareil, rabattez par-dessus les feuilles que vous avez laissé dépasser à dessein. Terminez en couvrant de deux autres feuilles, en tachant de "border" la préparation. Passez un coup de pinceau de beurre fondu.

Pastilla

Bon, par dessus j'ai voulu faire une déco en déposant un cercle de graines de sésame noir, c'est raté et ça ne sert à rien. J'aurais mieux fait de tenter un origami de poisson avec un bout de feuille de brick...

Pastilla1

Passez au four à 180°, le temps que ce soit bien doré et que l'appareil soit bien pris et chaud, soit environ vingt minutes.

Pastilla2

Si votre décor est réussi, servez dans le moule de cuisson, sinon, vous pouvez démouler en retournant le moule sur un plat. C'est cette solution que j'ai adoptée. J'ai présenté en assiette avec des tranches de tomates (du Maroc, obligé, et d'ailleurs ce sont les seules mangeables en cette saison) et quelques feuilles d'une jeune romaine, assaisonnée d'une vinaigrette à base de vinaigre de Banyuls et d'huile d'olive au citron.

Pastilla3

Bon, c'est clair que je n'aurai ni le premier prix de photo culinaire, ni celui de dressage d'assiette avec ce billet, mais croyez-moi, c'était délicieux, et comme l'a dit ma goûteuse historique "Tu as le droit de recommencer". 

Pastilla5

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Commentaires
A
Mouais... je n'ai aucune parole, j'ai tourné la page... et là, je prends, j'imprime, je me mets au boulot ; ça a l'air......... !!!! Tu sais quoi ? Tu vas dire que je suis une chieuse mais avec un feuilletage maison, ça doit être quelque chose aussi. Du coup, bien sûr, faudra l'appeler tourte. <br /> Je me souviens d'Essaouira, je n'ai jamais fait le papier que je me jurais d'écrire sur cette sentinelle-là, ses nuées de mouettes, ses petits restos de poisson grillés, les chats faméliques qui serpentent sous les tables, cet homme croisé dans une ruelle déserte qui disait descendre tout juste du bateau et riait au ciel en nous parlant de musique et de peinture.<br /> <br /> Enfin, un reproche tout de même : et Hendrix bordel ????
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E
Je veux bien te croire, la pastilla, c'est absolument délicieux, même sucrée...
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C
Ha oui, petite question, si on n'a pas de niora, ça le fait de remplacer par du paprika ou bof ?
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C
Super, ça a l'air top ! Moi qui redoute la pastilla de pigeon pour cause de haine coriace du sucré salé, celle-ci fait drolement envie :) Bravo !
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C
Que ceux qui n'aiment pas la longueur de vos billets changent de poissonnier....c'est à la truculence et à l'excellence de vos propos que l'on reconnait l'artiste haut en verbiage et en couleurs....Ne changez rien!!!
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