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Cuisine de la mer
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4 mai 2011

Goujonnettes de maquereau marinées au thym

"Moi tu me connais, je suis natif de Saint-Locdu-Le-Vieux, pas de Saint-Barlu-Pluvieux. La mer je la fréquente de loin, ou alors de trop près comme avec tézigue-pâteux, pour cette enquête à Ploumaniac. J'étais déjà dans mes petits souliers, et toi sans-pitoyable, tu ne trouves pas mieux de me les remplacer par des palmes de mec-grenouille, à moi qui ne les supporte que dans une poêle avec plein d'ail et de persil.

T'avoueras cette idée à la con de m'habiller en peau de mérou, qu'il a fallu de la graisse de phoque pour que je me glisse dedans. T'as même poussé le bouchon à perpète, que merde,  pas besoin en plus de me traiter de veau marin, déjà que j'avais plus les crocs qu'un morse, rapport à la blanquette de ta mère… Si elle aurait su la peau d'hareng que tu deviens dès tu sors de votre piaule de Saint-Cloud, elle t'aurait bouclarès dans la cave, vanneur à deux balles que t'es. 

Y'a des fois commideux de mes saires, je me demande si tu me prends pour un congre. Ma patience, au contraire des gonzesses que tu abuses à longueur de polards, elle a sa dignité personnelle. Pour tout te bonnir, je les eues à la caille quand tu m'as balancé du barlu, sans même une gorgée de jaja pour me rincer le tuba… qu'à force si ça continue, faudra bien que ça fesse.

Alors me vl'à à la baille, avec un tas de merlans et de filets d'anchois qui me calculent comme si je serais le Capitaine Momo, tu sais le frimeux de Vingt Miteux sous Mémère, icelui qui a un sous-marin pullman et un caractère pitbull ? Une vraie poissonnerie sur pieds mon pote, que le commandant Costaud aurait écarquillé sous son bonnet rouge, dis-moi un peu cette manie de déguiser son équipage en balises à grosses, fallait avoir le bulbe bouffé aux  bulots et prendre la calvitie pour une lanterne.

Baleine

Je me gaffe pas que je coulapique, et volatile pas que me retrouve au fond en pas deux. A propos, j'ai deux mots à dire au mariole qui m'a attaché des gueuses de plomb autour du bide, c'est un mirac' si j'ai pu remonter, tu m'entends dis Tonio? Un mirac' si j'ai réussi à m'arracher de ce traknar!

Et puis bordel, cette idée de me mouiller à cet endroit : du sable partout sauf là où j'ai sous-mariné. Je suis tombé sur un caillou pointu, le genre récif, tu mords ? Habité par une jungle de malfaisants, des anémones de merde, des coquillages canoniques et des crabes tambouilles, jamais on m’avait autant convoité les miches.

Tant bien que mal, je fini par m'assoir en haut du tas de cailloux pour faire le point ; tu m'aurais vu, t'aurais cru Frison Roche au sommet du Ventoux, sauf que cézigue ne dégobillait pas des bulles en respirant… J'ai beau reluquer à tribord et mater à ras-bord, pas de trace de l'épave de l'avion, alors que tu avais affirmé que j'allais quasiment m'assoir dans le coq-bite, tant tes relevés étaient justes. Mon œil ouais, pas plus de coucou en vue que de quéquette chez Tarte Julie.

M'est avis que t'as pas la classe Bombard mon pote, s'il avait dérivé autant que toi, on ne l'aurait jamais revu le bouffeur de vase, ou alors au Pôle Sud ou au Pôle Emile Victor… Le problème quand on respire par un embout collé aux ratiches, est qu’on ne peut pas gueuler sans risquer la noyade, sinon espère un peu, tu m'aurais entendu chanter Ramona, me flanquer à la baille pour balle-peau, y’a que toi pour oser!

ex_libris_copie

Tout à coup, qu'est-ce que je ne vois pas? Une mousmée palmeuse qui nageait vers moi, une blonde commak, pas frigide du tout, paske la mer à Ploumaniac, tu me la recopieras, je me les caillais tell’ment que j'avais les flubes de finir prisonnier sous une banquise. La greluche pas du tout, elle palmait la laiterie à l'air, ou pour ainsi dire, les lolos à l'eau.

T'aurais vu cette langoustine mon pote, ce petit lot suréquipé pour mon bonheur de Grenouille-Man, t’en aurais bavé des ronds de chameau, sauf que pour baver sous l'eau, tu peux toujours te brosser, ça remonte dans le tarin… Elle plongeait en acné, du coup on lui voyait bien le visage, pas planqué comme le mien dans un aquarium avec cette chierie de tuyauterie autour. 

L’air vicelard de cette greluche, je ne te raconte pas ; depuis que j'ai serré Louis le Chinchard chez sa gagneuse Lili de Paimpol, je n'ai jamais croisé une paire de mirettes qui m’émotionne autant de l’entresol, tu peux me croire que ce maquereau devait se beurrer la pilule avec une telle morue. Mais tu connais l’incorromptible Béru, je ne peux pas tolérer qu'un maquereau se dore les épinards sur le dos d'une raie.

Un reproche que je dirai au type qui a inventé cette panoplie de cosmonaute marin, c'est de n'avoir pas prévu de braguette. Je veux bien qu'une boutonnière ne soit pas étanche et qu'une fermeture éclair finisse par rouiller, mais quand même à not' époque où on fout le pinard en canettes, y'avait surement moyen de moyenner… Bref, de voir cette poupée bien balancée se trémousser avec l'air d’en vouloir deux, j'ai une réaction naturelle et crac, volatile pas que cette vacherie de peau de mérou pète et que ma torpille sous-jacente se croit revenue à Marcel-Kébir.

Tu vois elle a été très bien cette petite baigneuse, elle ne s'est pas affolée, ne s'est pas enfuie en voyant ma tête chercheuse déployée, que dalle, elle est restée à me regarder comme si c'était la première fois qu'elle voyait le truc. Je me suis dit que j'allais faire le premier pas, mais avec ces foutues palmes, va tenter un pas qui te fait pas ressembler à la danse des canards au bal des Témoins de Gévéor

Bref, je parviens jusqu'à la gosse, et ne pouvant ni lui causer ni lui rouler la galoche princière because ma raffinerie portative, je la démarre franco à la Mime Marceau. Elle parait surprise quand je commence à lui masser la vitrine, et je me dis qu'il ne faut pas grand-chose pour surprendre les oiselles du coin. Mazette, le plus surpris des deux, et ben ça a été moi, vingt-dieux, cette décharge! Tu veux savoir pourquoi?

Je te le dis quand même, t’es chié, voilà un gazier qui m'envoie barboter dans une flotte insalubre, et qu'a même pas la correctionnelle de m'esgourder après… Alors, je vais pour lui glisser deux doigts de cour au parcmètre, mais j'ai beau chercher l'île au trésor, que tchi mon pote, tu m'entends? Je ne trouve même pas la jointure.

Tu me croiveras ou pas, mais je suis tombé sur un os comme j'en n'avais encore jamais vu dans ma carrière de tringleur, et quand je dis un os, c'était plutôt une arête dont au sujet de quoi il s'agissait. Je m'étais pas gaffé que c'était une sirène mon gars, pas la sirène du coup de midi, et encore moins celle d'Alexandre-Benoît. Comment j'ai largué mon plombage pour remonter Frédéric Dard-Dard, j'avais même plus le cœur à une petite gâterie compensatoire, pas de ça Lisette, je ne pêche pas au vit mécolle!"

Ainsi s'exprimait ABB, dit Béru le Preux, dit l’Attila du comptoir. Je l'écoutais distraitement tout en regardant la mer moutonner comme une conne. Où donc avait pu s'abimer ce zinc aux soutes bourrées de ce mystérieux Sulfocradingue qui mettait en émoi le Mondentier? "

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Je suis comme ça

L’air de rien, je viens d'assouvir une très ancienne envie, celle d'écrire à la manière de Frédéric Dard, alias San-Antonio, et franchement ne croyez pas que ce soit facile, j'ai bossé plus que d'habitude pour parvenir à cette pâle imitation. J'ai lu très tôt ces petits monuments de drôlerie et de verdeur, chez mes parents, l'éducation était stricte, mais il n'y avait pas vraiment d'interdit de lecture ou de culture en général.

Du coup, j'ai rapidement eu accès à tous ces snipers du langage que sont ou étaient les Devos, Desproges, Gainsbourg, San-Antonio, Audiard et pas mal d'autres… de plus anciens comme l'inénarrable Boby Lapointe. J'ai commencé à  écrire mes mémoires vers l'âge de douze ans, et peu d'années plus tard, je me voyais bien en nègre, filer un coup de main à Frédéric-Dard. C'était ça ma vocation, ou au pire Gringo chez Jacques Vabre, voire Siesteux dans la pub Pacific.

Si je vous en cause aujourd'hui, vous vous doutez bien qu'il y a une raison culinaire, elle a pour origine ce livre de Blandine Vié paru fin mars 2011 aux Editions de l'Epure :

9782352551720

Un ouvrage de qualité, bien dans la veine de cette auteure que j'apprécie beaucoup; pour ne citer que deux livres que j'ai particulièrement aimé et dont j'ai déjà parlé sur ce blog, elle a écrit "La Morue entre Sel et Mer" (Ed JP Rocher, 2001) et "Testicules - La Fête des Paires" (Ed de l'Epure, 2005), deux ouvrages érudits et jubilatoires que je vous recommande vivement.

Avec "San-Antonio se met à table", elle s'adresse directement aux amateurs de la série, l'un des principaux attraits à sa lecture a été de retrouver les citations plus ou moins culinaires qui ne m'avaient pas échappé et de les replacer dans le roman d'origine. Ayant aussi commencé à cuisiner très jeune, mon oeil de lecteur a toujours été attiré par les scènes ou les allusions à la nourriture et à la table. 

Les recettes tiennent bien la route, elles sont nombreuses et intelligemment classées. Un amateur de livres de cuisine conventionnels regrettera l'absence d'illustration des recettes, mais bon, cela correspond au parti-pris des Editions de L'Epure. Un peu comme le journal Le Monde avant qu'un de leurs journalistes n'ait eu l'idée d'ouvrir les volets de l'immeuble...

Il nous fallait une recette à la hauteur, une de ces picores de mer qu'on attaque à l'apéro avec un grand verre de vin blanc, genre Sauvignon de Touraine  ou Muscadet sur Lie. Le maquereau s'imposait, Messieurs les hommes, même si je me sentais partant pour une rate au court-bouillon...

Goujonnettes de maquereau marinées au thym

Ingrédients

- petits maquereaux (lisettes)
- vin blanc (sauvignon ou muscadet)
- vinaigre de cidre (ou de jerez)
- cives (jeunes oignons frais)
- thym frais
- gros sel gris de mer
- poivre blanc

Recette

Levez les filets de maquereau, lavez-lez et séchez-les. Placez-les durant deux à trois heures un plat creux entre des couches de gros sel gris, le côté peau par dessus  (inutile d'en mettre des tonnes, ce n'est pas une croûte de sel).

Au bout de ce délai, rincez longuement les filets pour en ôter toute trace de sel excédentaire, puis taillez-les en goujonnettes : Coupez les filets dans la longueur de chaque côté de la petite ligne d'arêtes latérales, puis une nouvelle fois en deux dans la largeur.

Placez à nouveau ces goujonnettes dans le plat creux bien rincé, toujours le côté peau vers le haut, puis parsemez-les de brins de thym, de rondelles de cives et de poivre blanc. Arrosez ensuite de vinaigre et de vin blanc, dans une proportion 1/4 de vinaigre et 3/4 de vin, et cela jusqu'à remplir à hauteur.

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Vous pouvez commencer à consommer ces goujonnettes au bout de trois heures de marinade, mais le plat sera meilleur si vous attendez cinq ou six heures. Il n'y a aucun inconvénient à attendre jusqu'au lendemain, mais au delà, le vin et le vinaigre dégradent trop la texture du poisson. Une rondelle de pain bien beurré s'impose.

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Souvent en matière de cuisine, il faut trancher, non seulement le lard, mais entre différentes options. J'aime beaucoup l'aspect de la peau de maquereau, ses reflets argentés et bleutés de toute beauté, et je préfère la conserver.

D'autres choisiront de l'enlever au moment du filetage, arguant avec raison que la peau du maquereau est un peu élastique sous l'effet de cette marinade à froid. Très honnêtement, un peu de mâche ne me gêne pas, mais à vous de voir !

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Commentaires
C
Excellent ! As tu essayé d'enlever seulement la peau transparente du maquereau, comme les japonais ? C'est un mystère pour moi !
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V
Ben mon vieux, j'ai point compris grand chose... Et puis y a eu un "si elle aurait su", et là j'ai décédé !!! :)
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S
Très poisson chez moi aussi en ce moment... une semaine à l'océan et plein d'idées ! ma prochaine recette sera maquereau à moi aussi ! Bravo pour cet exercice de style !!
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M
Testé et comme d'hab, approuvé.<br /> Après quelques temps difficiles, je reprends contact avec la cuisine et tant qu'à faire, je me suis inscrite (grâce à toi) pour participer à une découverte des algues avec Pierrick Le Roux. En juillet, je m'égarerai à Plélo.<br /> Maaahhhh, c'est où ça !!! va falloir partir 2 jours avant pour être sur de ne pas nous perdre :D<br /> Si tu apprends que 2 bigoudens se sont perdus dans le Nord, tu sauras qui c'est :D<br /> Bon weekend
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A
Ben alors... et tu me fais pas préviendre ? Si le hasard ne m'avait pas fesse revenir au beurre blanc de mes premières amours culino-findus, j'en aurais rien su ? J'pourrais m'insurger si j'avais pas un standinge à tenir en société. <br /> <br /> N'empêche, le Patrick, j'espère que tu as eu autant de plaisir à l'écrire que moi à le lire. Je me souviens encore de la jubilation à me prêter moi aussi au jeu. J'avais choisi la plume d'Antoine parce que je suis une petite joueuse, tu te souviens ? <br /> http://dedicacessen.canalblog.com/archives/2007/03/23/4405118.html#comments<br /> <br /> A mon tour de m'incliner en me tenant les côtes.
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