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Cuisine de la mer
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19 juin 2016

Salade de wakame au concombre et au piment

Vous auriez vu la tête de  l’équipage lorsque j’ai annoncé que l’ordinaire du jour serait vegan, un menu « Las Vegan » selon l'évadé du Nevada que nous avions embarqué par erreur à Gloucester. Horreur, c’est comme si je leur avais avoué qu’on allait traverser la Vallée du Feu sans rhum pour y tremper les biscuits, ou que j'avais enrôlé une femme ou un curé lors de la dernière escale.

Non que j’aie eu la tentation de me radicaliser comme le premier intégriste saladiste venu, mais voilà, il ne restait ni viande ni poisson à bord, et le temps nous manquait pour pêcher, ou faire halte sur une île pour chasser quelques volatiles ou des chèvres, voire pour nous emparer d'œufs de tortue, lesquels ont le mérite de ne pas nous obliger à courir pour les capturer.

Pas le temps, nous nous rendions justement à La Tortue, où la commune franche de Mare Rouge venait d’accéder au rang de "Capitale Mondiale de la Gastronomie", comme un bon millier de patelins, depuis que manger est devenu un culte pour incultes. Désormais les pirates naviguent tout autant à la recherche de bonnes tables que de coffres à trésors.

J’y étais attendu pour prononcer le discours d’inauguration en breton et en vietnamien, puis pour faire une démonstration de tofu de foufou, avec ce petit cuisinier français chauve qui n’imagine pas une cuisine, une école, une boulangerie ou un media où son profil ne soit pas affiché, un peu comme cet omniprésent Monsieur Propre des flacons de détergent*. Contenu non sponsorisé

propre

Enfin bon, après quelques râleries bien senties à propos de l'incompétence de certains capitaines, les gars vinrent remplir leurs gamelles, après tout ils avaient avalé bien d'autres salades, il se murmurait à bord que sur un petit navire, certains s'étaient nourris de mousse lorsque les vivres vinrent à manquer, ohé, ohé. Quoique si on y réfléchit, ces mousses, ça reste de la viande, au même titre que le veau ou le dauphineau. 

Là où l'hostilité devint franche et massive, ce fut lorsqu'ils découvrirent des algues dans leur gamelle, une denrée que j'avais échangée à un pote wakō lorsque je croisais bord à bord avec lui en mer du Japon, contre une andouille de campagne fumée. Nous les algues, on les utilise à terre pour amender les champs, rembourrer les matelas, voire on en met un peu dans la pâtée des cochons qui s'en portent fort bien ; une seule variété est consommée par les nous-autres, et encore, en infusion pour gélifier un flan

Bref, en s'apercevant qu'on leur servait de la nourriture de cochons, certains se mirent à grogner, ce qui après tout est humain. D'autant que ce n'était même pas un goémon de chez nous, puisque le wakamé n'a fait son apparition en Bretagne que dans les années 1970, véhiculé par les crassostrea gigas, ces huître creuses "japonaises" qu'il a fallu implanter pour remplacer nos creuses "portugaises", décimées en trois ans sur les côtes françaises par une épizootie.

Il me fallut donc faire preuve d'une grande pédagogie, assortie de la menace de leur faire bouffer leurs doigts en bâtonnets de surimi, pour qu'ils acceptent enfin de manger du bout des lèvres, les plus délurés et les plus affamés finissant même par trouver ça convenable pour dépanner, une fois de temps en temps. Je ne pouvais leur donner tort, même aujourd'hui, les algues ne sont pas encore couramment entrés dans la nourriture quotidienne, il faut aller dans les officines bio pour en trouver sur les rayonnages, sauf toutefois dans les régions de production. 

Production est bien le mot qui convient pour le wakamé, il est cultivée et non récolté à l'état sauvage, il ne s'est pas encore assez disséminé pour qu'on puisse en ramasser en grande quantité. Ne vous gênez pas si vous en rencontrez aux grandes marées, on l'appelle aussi "algue fougère", en raison de sa forme. C'est une algue brune, même si elle est verte lorsqu'elle est jeune, l'âge idéal pour la manger en salade, sinon réservez-la plutôt pour la cuisson, ou hachée pour des tartares.

wwa

Tout y passa, les oligo-éléments déchainés (ce qui fit sourire, presque tous avaient déjà passé le Horn), le fait qu'elle contienne plus de calcium que le lait de vache (ce qui les laissa froid, tu penses, du lait !), j'expliquai qu'avec son taux de protéines à 35%, elle remplacerait sans problème la viande qui hélas manquait (à ces mots, je crus qu'ils allaient me pendre à l'aide de lanières de wakamé tressées), les vitamines et les minéraux (on parla de m'attacher un très gros minéral au cou, pour vérifier si je pourrai quand même flotter). Je n'osai pas leur raconter que certains l'utilisaient en complément alimentaire durant un régime amaigrissant, sûr qu'ils l'auraient mal pris. 

Nous arrivâmes enfin à La Tortue, où s'organisèrent alors de mémorables barbacoas et boucans, je n'eus que deux désertions et un mort par indigestion. Pour ma part, le piment rouge dont j'avais agrémenté la salade (pour leur rappeler la couleur de la viande fraîche), m'avait retourné la tripaille aussi surement qu'une recette de cuisine moléculaire, je mis donc rapidement le cap sur la Martinique pour y subir une cure de rhumathérapie et de colombo de cabri.  

Salade de wakame au concombre et au piment

Ingrédients

- lanières de wakamé séché
- un petit concombre fin
- sel
- piment rouge
- vinaigre noir de Chine
- sauce de soja claire
- huile de sésame
- graines de sésame noir

Lorsque je n'en ai pas de frais, je privilégie le wakamé séché au salé, et encore plus au congelé. Lorsque le séchage est fait selon les règles de l'art, il suffit de faire tremper l'algue dans de l'eau durant une trentaine de minutes pour retrouver un produit ayant bien conservé sa texture, sa saveur et ses valeurs nutritives. Le sel, outre qu'il a tendance à corrompre les fibres de la plante, doit être très soigneusement rincé, également trempé, et il ne disparait pas complètement, ce qui est fâcheux pour une recette où on utilise du soja clair (plus salé que le foncé), et où le concombre est affiné au sel.

On se rappellera qu'une algue n'est jamais salée, il suffit de la rincer au sortir de la mer pour pouvoir la consommer tout de suite. 

Quant au piment utilisé, c'est le gros piment rouge vendu dans toutes les épiceries asiatiques, il n'est pas trop fort mais ceux qui n'y sont pas habitués prendront quand même garde. Si vous êtes vraiment fragiles, vous pouvez l'utiliser des dés de poivron rouge cru, en petit quantité car la saveur en est puissante. 

Recette

- Faites tremper à l'eau le wakamé séché pendant une trentaine de minutes. Prévoyez environ 50 grammes par personne, car l'algue réhydratée va peser cinq fois plus. Une fois réhydratées, coupez les lanières en morceaux.

- Ne pelez pas le concombre si la peau est fine. Coupez-le en rondelles assez fines, et placez-le dans une passoire avec un peu de sel fin pour le faire dégorger. Comptez également 30 minutes. Une fois qu'il est un peu attendri par la perte d'eau, lavez-le soigneusement pour éliminer le maximum de sel.

- Lavez les piments rouges, faites-en également des rondelles fines, dont vous évacuerez les graines en les manipulant par petites poignées sous un robinet d'eau fraîche, c'est la méthode la plus efficace. 

- Emulsionnez l'assaisonnement, dans les proportions de 1/3 de sauce soja pour 2/3 de vinaigre de riz noir chinois, et de quelques gouttes d'huile de sésame. Faites légèrement chauffer les graines de sésame noir à sec dans une poêle

- Disposez les ingrédients dans l'assiette ou le plat de service, versez la sauce et parsemez des grains de sésame. 

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Comme l'équipage du Gwinelli-Lichou (c'est le nom de ma frégate, qui signifie "Hirondelle de mer gourmande)), je n'en ferais pas mon ordinaire sans une bonne grillade à côté, ou un wok de poulet sauté au piment sec à la façon du Sichuan, en dépit d'une saveur très agréable et d'une grande fraîcheur en bouche, bien agréable sous un soleil de plomb (du moins, c'est le temps que nous avons en Bretagne aujourd'hui).

Je suis particulièrement amateur de cet assaisonnement qui mélange le soja et le vinaigre noir chinois (je précise chinois, car il est plus sucré que par exemple son équivalent coréen ou japonais). Il est possible si vous souhaitez un assaisonnement un peu plus rond et flatteur, d'y ajouter un peu de sucre de palme ou de cassonade, faites selon votre goût. 

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* Bien entendu, c'est une caricature, j'ai le plus grand respect pour le parcours de ce chef omniprésent, et pour ses engagements, mais c'est l'un des effets pervers de la médiatisation : on nous montre toujours les mêmes, or trop d'amour tue l'amour. Notez aussi que je me suis efforcé de me montrer désagréable tout au long de ce billet. 

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Commentaires
M
Cela faisant longtemps que je n'avais pas pris le temps de te lire (shame on me) et c'est un pur régal! Merci pour ta plume et cette recette qui ne peut que me plaire....de plus entre les algues à deux pas d'ici et notre pied de piment dont je ne sais trop que faire, elle tombe à point!
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